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quiconque veut sérieusement devenir bon porte avec lui deux fées : une ici, et il toucha mon cœur ; l’autre là, et il toucha mon front.

— Je ne comprends pas, mon cher papa.

— Je puis attendre jusqu’à ce que vous compreniez, Pisistrate… Quel nom ! »

Mon père entra chez un pépiniériste, et, après avoir regardé les plantes, s’arrêta devant un grand géranium à fleurs doubles.

« Ah ! il est plus beau que celui que votre maman aimait tant… Combien le vendez-vous, monsieur ?

— Sept schellings et demi, » répondit le jardinier.

Mon père boutonna sa poche.

« Je ne puis me permettre de l’acheter aujourd’hui, » dit-il doucement, et nous sortîmes.

En entrant dans la ville, nous nous arrêtâmes encore dans un magasin de porcelaines.

« Avez-vous un pot de Delft pareil à celui que je vous ai acheté il y a quelques mois ? Ah ! en voici un marqué trois schellings et demi. Oui, c’est le prix. Eh bien ! au premier anniversaire de la naissance de votre mère, il faudra que nous lui en achetions un. Il y a quelques mois à attendre. Et nous pouvons attendre, monsieur Sisty. Car la vérité, qui fleurit toute l’année, vaut mieux qu’un pauvre géranium ; et une promesse qu’on observe fidèlement vaut mieux qu’un vase de faïence de Delft. »

Je relevai la tête que j’avais baissée, mais la joie qui vint affluer à mon cœur faillit m’étouffer.

« Je suis venu pour payer votre petite note, dit mon père en entrant dans la boutique d’un de ces marchands d’articles de fantaisie, communs dans les villes de province, et qui vendent toutes sortes de jolis riens. À propos, ajouta-t-il tandis que le marchand feuilletait son registre en souriant, je crois que mon petit garçon peut vous montrer un spécimen du travail français beaucoup plus joli que cette boîte à ouvrage qui fut mise en loterie l’hiver dernier, et dont vous engageâtes Mme Caxton à prendre quelques billets… Montrez vos dominos, mon ami. »

Je produisis mon trésor, et le marchand n’épargna pas ses éloges.