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lade ! C’est une lutte corps à corps entre la vie et la mort. La pauvre machine humaine, qui n’a plus la force de résister ni la conscience de soi-même, est livrée aux étreintes de son terrible ennemi. Un sang noir coule lentement. Le médecin interroge le pouls en retenant son haleine. Tous les regards sont fixés sur sa tête penchée. On applique des sinapismes aux pieds du malade et de la glace sur sa tête ; et, au milieu du murmure confus des assistants, sa voix se fait enfin entendre, incohérente, parlant peut-être de vertes prairies et du pays des fées, tandis que la douleur nous brise le cœur ! Puis il S’endort… et ce sommeil cache sans doute une crise favorable. Vous le surveillez, osant à peine respirer ; vous guettes son réveil, ses premières paroles sensées. Oui, voilà bien son sourire d’autrefois, mais un peu plus pâle. Et vous versez de douces larmes, et vous dites à voix basse : « Ô mon Dieu, soyez béni, soyez béni ! »

Tout cela n’est qu’un tableau ; car c’est passé. Roland a parlé ; le sentiment lui est revenu ; ma mère est penchée sur lui ; les petits bras de son enfant sont entrelacés autour de son cou. Le chirurgien, qui vient de passer là six heures, a pris son chapeau ; il sourit en faisant un signe d’adieu. Mon père, appuyé contre le mur, se cache le visage dans ses mains.


CHAPITRE II.

Tout cela a été si soudain que, pour me servir d’une phrase banale (il n’y en a pas de plus expressive), il semblait que ce fût un rêve. J’éprouvais un besoin impérieux, absolu, de grand air et de solitude. Le sentiment de la reconnaissance me suffoquait presque ; la chambre n’était plus assez vaste pour mon cœur gonflé. Si, dans notre première jeunesse, nous avons peine à contenir nos émotions, nous trouvons qu’il est difficile aussi de leur donner issue en présence d’autrui. Lorsque nous sommes du côté le plus printanier de nos vingt ans, si quelque chose nous affecte, nous courons nous enfermer