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stitieuse. Ah ! ce n’était pas la matière, encore présente là, qui s’était attiré tous ces sentiments subtils et indéfinissables qu’on réunit et qu’on confond dans le mot affection ; c’était ce quelque chose d’aérien, d’intangible, d’électrique, dont l’absence nous épouvante.

Je restai immobile et muet… Mon père s’avança sans bruit, et prit une main qui ne lui rendit pas son étreinte ; l’enfant seule ne semblait pas partager nos émotions ; elle grimpa sur le lit, appuya sa joue sur le sein du malade, et resta ainsi.

« Pisistrate, murmura enfin mon père (et je m’approchai en retenant mon haleine), Pisistrate, si votre mère était ici ! »

Je fis un signe de tête. La même pensée nous avait frappés tous deux. La profonde sagesse de mon père et mon active jeunesse reconnaissaient leur impuissance en ces lieux. Dans la chambre du malade, nous sentions tous les deux qu’il fallait une femme.

Je sortis donc sans bruit, descendis l’escalier et me trouvai en plein air, en proie à une espèce d’étourdissement. Puis le piétinement de la foule, le roulement des voitures de toutes sortes, et le grand mugissement de Londres, me rappelèrent à la vie. Cette contagion de la vie pratique qui endort le cœur et stimule le cerveau, quel mystère intellectuel ne contient-elle pas dans son atmosphère ! En un moment j’eus choisi, comme par inspiration, du milieu d’une longue file de desservants de notre déesse Trivia, le cabriolet le plus léger avec le cheval le plus vigoureux, et je me mis en route non pour aller trouver ma mère, mais le docteur M… H… de Manchester-Square, que je connaissais parce qu’il était le médecin de Trévanion. Fort heureusement ce bon et habile docteur était chez lui, et il me promit d’être rendu auprès du malade avant que j’eusse pu le rejoindre. Je me dirigeai alors vers Russell-Street, et appris à ma mère, avec toutes les précautions possibles, la nouvelle dont j’étais porteur.

En arrivant à l’hôtel, nous y trouvâmes le docteur écrivant déjà ses ordonnances. L’activité du traitement était un indice du danger. Je courus chercher le chirurgien qu’on avait appelé d’abord.

Heureux ceux qui sont étrangers à cet indéfinissable et silencieux bruissement qu’offre parfois la chambre d’un ma-