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douleur, qu’avait dû être la réalité ? Involontairement je saisis sa main. Mon père serra la mienne convulsivement, et dit avec un profond soupir :

« Il était trop tard ! Trévanion était l’amant heureux, le fiancé de lady Ellinor… Ma chère Catherine, je ne l’envie plus maintenant. Levez la tête, ma chère femme, levez la tête ! »


CHAPITRE VIII.

« Ellinor, laissez-moi lui rendre justice, Ellinor fut émue de ma silencieuse douleur. Nulle bouche humaine n’aurait pu exprimer une sympathie plus tendre pour moi, ni s’adresser à elle-même de plus généreux reproches ; mais ce n’était pas là le baume qu’il fallait à ma blessure. Aussi je quittai le château, je renonçai au barreau, je perdis toute activité et tout motif d’activité ; je retournai à mes livres. Et j’aurais pu jusqu’à la fin de mes jours porter tristement, lâchement, indignement, le deuil de mon amour, si le ciel, dans sa miséricorde, ne m’avait envoyé ta mère, Pisistrate ; et nuit et jour je remercie Dieu et je bénis ma femme ; car je suis, oui, je suis véritablement un homme heureux ! »

Ma mère se jeta en sanglotant dans les bras de mon père, puis sortit de la chambre sans dire un mot. Mon père la suivit de ses yeux voilés par les larmes. Après avoir fait quelques tours dans la chambre, il vint à moi et, appuyant son bras sur mon épaule, me dit à voix basse :

« Devinez-vous maintenant pourquoi je vous ai raconté tout cela, mon fils ?

— Oui, en partie… Je vous remercie, mon père. »

Je m’assis tout troublé, sur le point de perdre connaissance.

« Il y a des fils, dit mon père en s’asseyant à côté de moi, qui trouveraient dans les folies et les erreurs de leurs pères une excuse pour leurs propres folies et leurs propres erreurs. Vous ne ferez pas comme eux, Pisistrate !