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comme Roland, mais ambitieux comme Ellinor ; ambitieux non pas pour réaliser quelque grand idéal dans le silence de son cœur, mais pour saisir les avantages positifs et pratiques qui s’offraient devant lui.

« Ellinor était l’enfant du grand monde, et lui aussi.

« Je ne voyais pas tout cela, ni Roland non plus ; et Trévanion ne semblait pas faire particulièrement la cour à Ellinor.

« Mais le temps approchait où je devais parler. La maison commençait à se vider. Lord Rainsforth avait le temps de reprendre ses entretiens avec moi ; et un jour que nous nous promenions dans le jardin, il me donna l’occasion que j’attendais. Car je n’ai pas besoin de vous dire, Pisistrate, continua mon père en me regardant sérieusement, qu’avant d’ouvrir son cœur à la fille, tout homme d’honneur, surtout s’il est inférieur par le rang ou la fortune, doit d’abord s’adresser au père, dont la confiance lui impose ce devoir. »

Je baissai la tête et rougis.

« Je ne sais comment cela arriva, mais lord Rainsforth fit tomber la conversation sur Ellinor. Après avoir parlé des espérances qu’il fondait sur son fils, qui revenait à la maison, il dit :

« Mais il suivra sans doute la carrière politique ; il se mariera, je pense, bientôt ; il aura une maison séparée, et je ne le verrai plus que rarement. Pour mon Ellinor, je ne puis supporter l’idée de ne plus l’avoir auprès de moi ! Et s’il faut dire la vérité dans tout son égoïsme, c’est la raison pour laquelle je n’ai jamais souhaité qu’elle se mariât avec un homme riche, car elle me quitterait pour toujours. Je puis espérer qu’elle donnera sa main à quelqu’un qui consentira à demeurer, au moins une grande partie de l’année, chez moi, et qui, loin de me ravir ma fille, deviendra pour moi un fils que je bénirai. Je ne veux pas le forcer à gaspiller sa vie à la campagne ; ses occupations l’appelleront sans doute à Londres ; mais peu m’importe où est ma maison ; tout ce que je demande, c’est d’être chez moi. Vous savez, ajouta-t-il avec un sourire que je crus significatif, vous savez combien de fois je vous ai dit que je n’avais pas d’ambition vulgaire pour Ellinor. Sa dot sera très-petite, car mes biens sont substitués, et je me suis trop habitué à dépenser mon revenu toute ma