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ques mois. Je commençais à voir clair sur ma route, même au bout de ce court espace de temps ; je commençais à comprendre les difficultés qui se présentaient devant moi, et à sentir qu’il y avait en moi quelque chose qui pourrait les surmonter. Je pris des vacances et revins dans le Cumberland, où je trouvai Roland. Toujours d’humeur vagabonde et aventureuse, quoiqu’il ne se fût pas encore engagé dans l’armée, il avait, pendant plus de deux ans, parcouru à pied la Grande-Bretagne et l’Irlande. Ce fut un jeune chevalier errant que j’embrassai, et il m’accabla de reproches parce que j’étudiais le droit. Il n’y avait jamais eu d’homme de loi dans la famille ! Ce fut vers ce temps, je crois, que je le pétrifiai par la découverte de l’imprimeur !

« Sans savoir précisément pourquoi, jalousie ou triste pressentiment, je ressentis une vive douleur en apprenant de Roland qu’il était dans l’intimité des habitants de Compton-Hall. Roland et lord Rainsforth s’étaient rencontrés chez un propriétaire du voisinage, et lord Rainsforth avait fait accueil à sa nouvelle connaissance pour moi peut-être d’abord, et ensuite pour mon frère lui-même.

« Se fût-il agi de ma vie, je n’aurais pu demander à Roland s’il admirait Ellinor ; mais lorsque je trouvai qu’il ne me le demandait pas non plus, je tremblai !

« Nous allâmes ensemble à Compton, n’échangeant que peu de mots pendant le chemin, et nous y séjournâmes quelques jours. »

Ici mon père glissa la main sous son gilet. Tous les hommes ont certaines façons d’agir très-significatives, et, lorsque mon père glissait la main sous son gilet, c’était toujours signe de quelque effort d’esprit. On pouvait être sûr qu’il allait prouver, argumenter, moraliser ou prêcher. C’est pourquoi, encore que j’eusse écouté auparavant de toutes mes oreilles, je crois, magnétiquement et mesmériquement parlant, que j’eus une nouvelle paire d’oreilles, un sens nouveau, lorsque je vis mon père glisser la main sous son gilet.