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eux-mêmes ; ils lisent, la société édite, et, après une modeste déduction, qui entre dans la caisse de la société, le trésorier remet les bénéfices à l’auteur.

— De sorte que, mon oncle, tout auteur qui ne pourra trouver d’éditeur viendra s’adjoindre à la société. La confrérie sera nombreuse.

— Certainement.

— Et la spéculation… ruineuse.

— Ruineuse ! Pourquoi ?

— Parce que, dans toute affaire commerciale, il est ruineux de placer des capitaux sur des articles qui ne sont pas demandés. Vous entreprenez de publier des livres que les libraires ne veulent pas publier, pourquoi ? parce qu’ils prévoient qu’ils ne les vendront pas. Il est probable que vous ne les vendrez pas plus facilement que les libraires. Ainsi, plus votre affaire s’étendra, plus votre situation sera désastreuse : quod erat demonstrandum.

— Bah ! le comité décidera quels sont les livres bons à publier.

— Alors où diable voyez-vous un avantage pour les auteurs ? J’aimerais tout autant soumettre mon ouvrage à un éditeur qu’à un comité d’auteurs. Au moins l’éditeur n’est pas un rival ; et je soupçonne qu’il est encore, après tout, aussi bon juge d’un livre, qu’un accoucheur doit l’être d’un enfant nouveau-né.

— Sur ma parole, neveu, vous faites là un vilain compliment au grand ouvrage de votre père, dont les libraires ne veulent pas. »

Cela fut dit à propos, et je fus mis à quia. M. Caxton observa alors avec un sourire apologétique :

« Le fait est, mon cher Pisistrate, que je veux publier mon livre sans diminuer la petite fortune que je conserve pour vous plus tard. L’oncle Jack fonde une société à l’effet de le publier. Bonne santé et longue vie à la société de l’oncle Jack ! On ne doit pas examiner la bouche d’un cheval donné. »

En ce moment ma mère entra, toute rose d’une expédition qu’elle venait de faire dans les boutiques avec Mme Primmins ; et sa joie d’apprendre que je restais pour dîner nous fit oublier tout le reste. Par un hasard prodigieux et dont je n’eus