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congé. J’allai voir Sedley Beaudésert. J’avais toujours désiré le sonder sur certain sujet, mais je n’avais jamais osé. Cette fois je résolus de ressembler mon courage.

« Ah ! mon jeune ami, dit-il en détournant ses regards d’un affreux tableau qu’il venait d’acheter pour encourager un jeune artiste, je pensais à vous ce matin… Attendez un moment. Summers (ceci s’adressait à son valet), ayez la bonté de prendre ce tableau, emballez-le et l’envoyez à la campagne. C’est un de ces tableaux, ajouta-t-il en se tournant vers moi, qui demandent une grande salle. J’ai une vieille galerie avec de petites fenêtres qui ne laissent pas passer le jour. C’est étonnant comme cette galerie convient à certaines toiles ! »

Dès que le tableau eut disparu, sir Sedley poussa un long soupir, comme s’il se sentait soulagé, et reprit plus gaiement :

« Oui, je pensais à vous ; et si vous pardonniez à un vieil ami de votre père de se mêler un peu de vos affaires, je serais très-flatté d’obtenir votre permission pour demander à Trévanion quel profit il veut vous faire retirer des horribles travaux qu’il vous impose…

— Mais, mon cher sir Sedley, ces travaux, je les aime ; je suis parfaitement content…

— Pas de rester toujours secrétaire de quelqu’un, qui, s’il n’y avait rien autre à faire au monde, se mettrait à enseigner aux fourmis l’art de bâtir leurs fourmilières d’après de meilleurs systèmes d’architecture ! Mon cher monsieur, Trévanion est un homme terrible, un homme effrayant. On se sent pris de lassitude rien qu’à rester trois minutes avec lui dans la même chambre. À votre âge, un âge qui devrait être si heureux, continua sir Sedley avec une compassion tout angélique, il est triste d’avoir si peu de plaisirs !

— Mais, sir Sedley, je vous assure que vous vous trompez. Je m’amuse infiniment. Et ne vous ai-je pas entendu dire à vous-même qu’on peut être oisif sans être heureux ?

— Je ne suis convenu de cela qu’après avoir dépassé le mauvais côté de la quarantaine, » dit sir Sedley, dont un léger nuage vint obscurcir le front.

Je répondis avec une artificieuse flatterie, et en entrant dans mon sujet :

« Personne ne penserait jamais que vous avez dépassé ce mauvais côté !… Mlle Trévanion, par exemple… »