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sans emploi, parce que, pour plaire à ses tenanciers, il avait renoncé à chasser dans ses réserves.

Ensuite, comme homme de plaisir, toute la race des femmes avait des demandes légitimes à lui adresser. Depuis la duchesse malheureuse, dont le portrait était caché sous un ressort secret de la tabatière de sir Sedley, jusqu’à la blanchisseuse ruinée à qui il avait pu faire jadis un compliment sur son talent pour repasser les complications d’un jabot, il suffisait d’être une fille d’Ève pour avoir de justes droits, de par notre père Adam, à l’héritage de sir Sedley.

Et puis, en qualité d’amateur des arts et de serviteur respectueux des muses, peintres, acteurs, poètes, musiciens, tous ceux à qui la protection du public avait fait défaut, se tournaient vers le sourire compatissant de sir Sedley Beaudésert, comme les tournesols mourants vers le soleil. Ajoutez encore la multitude diverse qui avait entendu parler de la bienfaisance de sir Sedley, et vous pourrez supputer ce que lui coûtait sa réputation. Le fait est que, quoique sir Sedley ne pût pas dépenser pour lui-même le cinquième de son revenu, je suis certain qu’il avait de la peine à nouer les deux bouts à la fin de l’année. Et s’il y parvenait, il le devait peut-être à deux règles que sa philosophie avait irrévocablement adoptées. Il ne faisait jamais de dettes et ne jouait jamais. Je crois qu’il était redevable à la bonté de son caractère de ces deux aberrations de la routine ordinaire des élégants. Il éprouvait une vive compassion pour tout infortuné tracassé par ses créanciers. « Pauvre homme ! disait-il, ce doit être si pénible pour lui de passer toute sa vie à dire non. » Tellement il méconnaissait cette classe de prometteurs ! Comme si un homme poursuivi pour dettes disait jamais non ! Lorsqu’on demanda au beau Brummel s’il aimait les légumes, il répondit qu’il lui était arrivé un jour de manger un pois. De même sir Sedley Beaudésert avouait avoir joué une fois au piquet. « J’eus le malheur de gagner, disait-il en parlant de cette imprudence, et je n’oublierai jamais l’angoisse qui se peignit sur le visage de l’homme qui me paya. À moins de pouvoir toujours perdre, ce serait pour moi un vrai purgatoire de jouer. »

Il ne pouvait y avoir deux hommes plus dissemblables dans leur bienfaisance que sir Sedley et M. Trévanion. M. Trévanion avait le plus grand mépris pour la charité individuelle. Il