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l’histoire des vieilles erreurs des hommes ? N’était-il pas de son devoir, puisqu’il s’en présentait une si belle occasion, d’entrer en guerre avec l’erreur et de la combattre tous les jours à toute heure ? Cette lutte est la chevalerie de la science. Saint Georges ne disséquait pas des dragons morts, il combattait les dragons vivants. Et Londres, avec cette atmosphère magnétique qui, dans les grandes capitales, remplit l’air respirable de molécules stimulantes, contribuait à activer les lentes pulsations du Savant. À la campagne il ne lisait que ses vieux auteurs et vivait avec eux dans les siècles passés. À Londres, pendant les intervalles où il ne travaillait pas à son grand ouvrage, et à présent surtout que le grand ouvrage était arrivé à la fin d’une partie, mon père parcourut les productions de la littérature contemporaine. Elles firent sur lui un effet prodigieux. Il ne ressemblait pas au commun des savante et même des lecteurs, qui, dans leurs superstitieux hommages aux morts, sont toujours disposés à sacrifier les vivants. Il rendit justice à la merveilleuse fécondité d’intelligence qui caractérise les auteurs de notre siècle. Et par notre siècle je n’entends pas seulement l’époque actuelle, je commence avec le siècle.

« Ce qui caractérise la littérature de notre époque, dit un jour mon père à Trévanion avec lequel il était en discussion, c’est l’intérêt humain. Il est bien vrai que nous ne voyons plus des savants s’adresser à des savants : ce sont des hommes qui s’adressent aux hommes, non qu’il y ait moins de savants, mais parce que le public qui lit est plus nombreux. Les auteurs cherchent toujours à intéresser leurs lecteurs ; mais ce qui intéressait une dizaine de moines ou de rongeurs de livres n’intéresse plus une immense communauté. La cité littéraire était jadis une oligarchie : c’est aujourd’hui une république. C’est l’éclat général de l’atmosphère qui vous empêche de distinguer la grandeur de telle étoile particulière. Ne voyez-vous pas qu’avec l’éducation des masses s’est éveillée la littérature des affections ? Toute opinion trouve un interprète, tout sentiment un oracle. Comme Épiménide, j’ai dormi dans une taverne, et à mon réveil je trouve de la barbe aux mentons de ceux que j’avais laissés enfants, et des villes se sont élevées au milieu de contrées que j’avais traversées, vastes solitudes. »

Ainsi le lecteur peut apercevoir les causes du changement qui s’était opéré dans mon père. Comme Robert Hall le dit, je