Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oui, mon ami, interrompit ma mère. Mais il faut un nom chrétien pour l’enfant !

— Omeros… Soremo… Solemo… Solomo.

— Solomo ! c’est affreux.

— Affreux, en vérité, répéta mon père, c’est se moquer du sens commun. » Puis, après avoir jeté un nouveau coup d’œil sur ses livres, il s’écria d’un air rêveur : « Mais, après tout, c’est une absurdité de supposer que les chants d’Homère ne formassent pas un tout avant son temps !

— Le temps de qui ? » demanda machinalement ma mère.

Mon père leva le doigt.

Ma mère continua après un moment de silence.

« Arthur est un joli nom. Il y a encore William, Henri, Charles, Robert. Auquel nous arrêtons-nous, mon ami ?

— Pisistrate ! dit mon père d’un ton de mépris. Pisistrate !

— Pisistrate ! c’est un très-joli nom, dit ma mère avec joie. Pisistrate Caxton. Merci, mon ami, il s’appellera Pisistrate.

— Me contrediriez-vous ? Vous mettriez-vous du parti de Wolfe et de Heyne, et de cet impertinent drôle de Vico ? Voulez-vous dire que les rapsodes…

— Non certes, interrompit ma mère. Mon ami, vous me faites peur. »

Mon père soupira et se renversa dans son fauteuil. Ma mère prit courage et continua :

« Pisistrate est un peu long ; mais nous pourrons l’appeler Sisty.

Siste, viator, marmotta mon père, c’est bien vulgaire.

— Non, Sisty tout court. Je vous remercie, mon ami. »

Quatre jours après, à son retour de la vente, mon père apprit, et ce lui fut une inexprimable surprise, que Pisistrate grandissait et qu’il était son véritable portrait.

Lorsque enfin le brave homme eut la terrible certitude que son fils et héritier s’appelait du nom, mémorable dans l’histoire, qu’avait porté le tyran d’Athènes, compilateur supposé des chants d’Homère ; lorsqu’on lui affirma qu’il avait lui-même suggéré ce nom, il se fâcha autant qu’il était possible à un homme si doux de se fâcher.

« Mais c’est infâme ! s’écria-t-il. Pisistrate baptisé ! Pisis-