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Grâce pour cet honneur : « C’est, dit le roi, parce que cette méditation roule sur une prière très-courte et très-simple, et d’autant plus convenable aux courtisans, qu’ils passent le plus souvent pour n’avoir ni le goût ni le loisir de faire de longues prières, préférant courte messe et long dîner. » Je suppose que ce fut pour un semblable motif que mon père persista à dédier au membre du parlement et au parfait gentilhomme cette courte et simple moralité du sachet de safran. Il était évidemment persuadé que, s’il pouvait une fois les décider à se l’appliquer, cela suffirait, et qu’ils n’avaient ni goût ni loisir pour de plus longues instructions. Et ce sachet de safran retombait si rudement sur eux à chaque mouvement de son argumentation, que vous auriez pris mon père pour un de ces combattants plébéiens des ordalies populaires, qui, ne pouvant se servir ni de l’épée ni de la lance, se battaient avec un sac de sable attaché à un fléau ; arme déjà très-étourdissante lorsque le sac n’est rempli que de sable ; mais comment résister à un sac de safran ? Aussi, quoique mon père fût seul contre deux, ils ne purent tenir tête à cette arme diabolique. Après une foule de bah ! de M. Trévanion, et quelques sourires ironiques de sir Sedley Beaudésert, ils cédèrent, sans toutefois vouloir s’avouer vaincus.

« Allez ! dit le membre du parlement ; je vois que vous ne me comprenez pas. Il faut que je continue de me mouvoir par ma propre impulsion. »

Les Colloques d’Érasme étaient le livre favori de mon père ; il avait coutume de dire que ces Colloques offraient à chaque page quelque exemple utile pour la conduite de la vie. Ce fut à l’aide des Colloques d’Érasme qu’il répondit au membre du parlement :

« Rabirius voulant faire lever son serviteur Syrus, lui cria : « Remue-toi. — Je me remue, dit Syrus. — Je vois bien que tu te remues, reprit Rabirius, mais tu ne remues rien. » Pour en revenir au sachet de safran…

— Au diable le sachet de safran ! » s’écria Trévanion furieux. Puis, s’étant calmé tandis qu’il mettait ses gants, il se tourna vers ma mère, et lui dit avec plus de politesse qu’il n’en avait naturellement, ou du moins habituellement : « À propos, ma chère madame Caxton, j’oubliais de vous dire que lady Ellinor viendra vous voir demain. Nous resterons quelque temps