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et les arrêtèrent d’abord sur les rides profondes qui sillonnaient son visage d’aigle, puis sur la jambe de bois qu’il étendait devant lui. Ensuite ils se détournèrent.

Cependant ma mère s’était levée sans bruit, et, sous prétexte de chercher son ouvrage sur la table près du vieux soldat, elle se pencha sur lui et lui serra la main.

« Messieurs, dit mon père, je ne crois pas que mon frère ait jamais entendu parler de Nicochore, auteur comique grec ; pourtant il vient de le commenter très-finement. Ce Nicochore dit que le meilleur remède contre l’ivresse, c’est un malheur soudain. Une continuité de malheurs réels doit être très-salutaire contre l’ivresse chronique ! »

Les deux mécontents ne firent aucune réponse, et mon père prit un gros livre.


CHAPITRE II.

« Mes amis, dit mon père en levant les yeux de dessus son livre et s’adressant à ses deux visiteurs, je connais quelque chose de moins dur qu’un malheur et qui vous ferait grand bien à tous deux.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda sir Sedley.

— Un sachet de safran porté sur la cavité de l’estomac !

— Austin, mon ami ! » s’écria ma mère d’un ton de reproche.

Mon père ne fit pas attention à cette interruption, et continua gravement :

« Il n’y a rien de meilleur pour remonter l’esprit ! Roland n’a pas besoin de safran, parce qu’il est soldat ; le désir du combat et l’espérance de la victoire lui infusent dans l’esprit une ardeur suffisante pour une longue vie et pour la conservation du système.

— Allons donc ! s’écria Trévanion.

— Mais des hommes de votre profession doivent avoir recours à des moyens artificiels : du nitre dans le bouillon, par