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fants à soi, dans lesquels on puisse se voir rajeunir, pour se réconcilier avec l’idée de vieillir.

— Ma chère dame, dit sir Sedley, qui avait un peu rougi à l’accusation lancée contre lui par Trévanion, mais qui avait déjà recouvré son aisance et son sang-froid, vous avez parlé d’une manière si admirable que vous m’encouragez à avouer ma faiblesse. J’ai peur de vieillir. Toutes les joies de ma vie ont été des joies de jeune homme. La seule sensation de la vie me causait un plaisir si délicieux que l’approche de la vieillesse m’effraye avec ses yeux ternes et ses cheveux gris. J’ai vécu de la vie d’un papillon. L’été est passé, et je vois mes fleurs qui se flétrissent, et mes ailes sont glacées par les premières bises de l’hiver. Oui, j’envie Trévanion : car, dans la vie politique, l’homme n’est jamais jeune ; mais aussi longtemps qu’il peut travailler il n’est jamais vieux.

— Mon cher Beaudésert, reprit mon père, lorsque saint Amable, patron de Riom en Auvergne, alla à Rome, le soleil se fit son serviteur ; il portait son manteau et ses gants pendant la chaleur, et, lorsqu’il pleuvait, l’abritait comme un parapluie. Vous voudriez employer le soleil au même usage ; certes, vous n’avez pas tort ; mais, voyez-vous, il faut être saint avant de pouvoir compter sut un pareil serviteur. »

Sir Sedley sourit ; mais son charmant sourire fit place à un soupir lorsqu’il ajouta :

« Je ne serais pas long, je crois, à me décider à devenir saint, si le soleil voulait me servir de sentinelle au lieu de courrier. Je ne lui demande que de rester immobile. Vous voyez qu’il marchait, même pour saint Amable. Ma chère dame, nous nous comprenons à merveille, vous et moi ; et c’est une bien pénible chose de vieillir, malgré tout ce qu’on fait pour rester jeune.

— Que dites-vous, Roland, de ces deux mécontents ? » demanda mon père.

Le capitaine se retourna péniblement dans son fauteuil, car un rhumatisme lui mordait l’épaule, et des souffrances aiguës lui donnaient des élancements dans son membre mutilé.

« Je dis, répondit Roland, qu’ils sont las de se promener de Brentford à Windsor… et qu’ils n’ont jamais connu le bivouac et le champ de bataille. »

Les deux grognons tournèrent leurs regards vers le vétéran,