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posa son schelling en silence, reçut les deux pence qui lui revenaient, et je n’avais eu que le temps de me glisser de côté lorsqu’il reparut sur le seuil. Il s’arrêta pour jeter un regard autour de lui, mais je pris soin qu’il ne pût me découvrir, après quoi il se dirigea vers les quartiers les plus fashionables de la ville. C’était l’après-midi, et, quoiqu’on ne fût pas encore dans la saison, les rues fourmillaient de monde. Lorsqu’il arriva sur la place de Waterloo, un cavalier, boutonné comme lui jusqu’au menton, passa devant lui au petit galop. Tous las yeux étaient tournés vers ce cavalier. L’oncle Roland s’arrêta brusquement et porta la main à son chapeau ; le cavalier toucha le sien de l’index et continua son chemin.

« Qui est, demandai-je à un garçon de boutique qui se trouvait devant moi et qui, lui aussi, était tout yeux, qui est ce monsieur à cheval ?

— Comment ?… c’est le duc, pour sûr, répondit dédaigneusement le commis.

— Le duc de ?…

— Wellington !… Faut-il être stupide !

— Merci ! » lui répondis-je avec douceur. L’oncle Roland était entré dans Regent-Street d’un pas plus rapide. La vue de son vieux chef avait fait du bien au vieux soldat. Là il se promena de nouveau de côté et d’autre ; et moi, qui le suivais toujours du côté opposé au sien, j’étais prêt à tomber de fatigue, quelque bon marcheur que je fusse. Mais le capitaine n’était pas encore à la moitié de sa journée.

Il tira sa montre, la porta à son oreille, puis la remit dans son gousset, passa par Bond-Street et entra dans Hyde-Park. Là, évidemment épuisé, il s’appuya contre la grille, près de la statue de bronze, dans une attitude qui annonçait l’abattement. Je m’assis sur le gazon près de la statue et le regardai. Le parc était désert en comparaison des rues ; cependant on y voyait quelques oisifs à cheval et plusieurs promeneurs à pied. Le regard de mon oncle examinait curieusement chacun d’eux. Une ou deux fois, quelque monsieur à la tournure militaire (car j’avais déjà appris à la connaître) s’arrêtait, le regardait, s’approchait et lui parlait ; mais le capitaine paraissait honteux de ces saluts. Il ne répondait que quelques mots, et finit par s’éloigner.

Le jour baissa, la nuit vint ; le capitaine regarda de nouveau