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Je puis lui serrer la main comme à un frère d’armes. Pauvre Trévanion ! Écrivez-lui tout de suite, Sisty. »

Je m’assis et obéis. Lorsque j’eus cacheté ma lettre, je levai les yeux et vis que Roland allumait sa bougie sur la table de mon père, et que mon père lui prenait la main et lui disait quelque chose à voix basse. Je devinai qu’il était question de son fils, car il secoua la tête et répondit d’une voix creuse et austère :

« Renouvelez ma douleur si vous voulez, mais non ma honte. Sur ce sujet, silence ! »


CHAPITRE IV.

Laissé à moi-même pendant les premières heures du jour, je parcourais, pensif et solitaire, le vaste désert de Londres. Par degrés, je me familiarisai avec cette solitude populeuse. Je cessai de soupirer après les vertes campagnes. Cette énergique activité qui m’entourait, et qui m’avait d’abord attristé, m’amusa bientôt et finit par devenir contagieuse. Pour un esprit industrieux rien n’est si saisissant que l’industrie. Je commençai à me fatiguer des vacances dorées de mon oisive adolescence, à soupirer après le travail, à chercher une carrière autour de moi. L’université, au-devant de laquelle je m’étais porté avec plaisir, me semblait alors une scène d’une tristesse monastique. Après avoir parcouru les rues de Londres, errer au travers des cloîtres, c’était rétrograder dans la vie. Jour par jour, je sentais mon esprit se fortifier en moi ; il sortait de l’aurore de l’enfance, il sentait les effets de l’arrêt prononcé contre Caïn devenu homme.

L’oncle Jack fut bientôt absorbé par sa nouvelle spéculation pour le bien de l’humanité, et nous ne le vîmes plus que rarement, excepté aux heures des repas, auxquelles, pour être juste, il arrivait assez exactement, quoiqu’il ne nous laissât pas dans l’ignorance des sacrifices qu’il nous faisait, et des invitations qu’il refusait pour l’amour de nous. Le capitaine aussi dispa-