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placé dans la chambre des Communes ; mais ce qui est tout aussi incontestable, c’est qu’il excite peu de sympathie dans le pays. M. Trévanion est essentiellement un membre du parlement dans toute la force du terme. C’est un orateur serré, toujours prêt dans la discussion ; c’est un admirable président de comité. Quoiqu’il n’ait jamais exercé de fonction publique, sa longue expérience de la vie politique et l’attention avec laquelle il s’est occupé gratuitement des affaires du pays l’ont placé au premier rang de ces politiques pratiques parmi lesquels on choisit les ministres. C’est un homme d’un caractère sans tache et d’intentions excellentes sans doute ; et tout cabinet gagnerait en lui un membre honorable et utile. Là se borne tout ce que nous pouvons dire à sa louange. Comme orateur, il manque de ce feu, de cet enthousiasme, qui conquièrent les sympathies populaires. Il a l’oreille de la chambre, il n’a pas le cœur du pays. Oracle dans les simples questions d’affaires, il est comparativement nul dans les grandes questions politiques. Il n’embrasse jamais cordialement aucun parti ; il n’épouse jamais sérieusement aucune question. La modération dont on dit qu’il se pique se déploie souvent en minuties ennuyeuses et en tentatives d’une candeur et d’une originalité philosophiques, qui lui ont valu depuis longtemps de la part de ses ennemis la qualification de girouette. Les circonstances peuvent porter un tel homme temporairement au pouvoir ; mais pourra-t-il conserver une longue influence ? non. Que M. Trévanion reste au poste que sa nature et son rang lui ont assigné… le poste d’un membre du parlement, honnête, indépendant, capable, qui concilie les hommes sages des deux partis, lorsque les partis se laissent entraîner aux extrémités. Il est devenu impossible comme ministre dans un cabinet durable. Ses scrupules feraient obstacle à tout gouvernement, et son manque de décision ruinerait sa propre réputation ; car, en politique comme dans toutes les autres affaires humaines, il faut savoir souffrir quelque mal pour obtenir un grand bien. »

Je venais d’achever la lecture de ce paragraphe lorsque les dames rentrèrent.

Mon hôtesse remarqua le journal que je tenais et dit avec un sourire forcé :

« Quelque attaque contre M. Trévanion, je suppose ?