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front sillonné de rides ; mais c’était un de ces visages qui puisent la dignité et le vernis de la politesse dans cette culture intellectuelle qui distingue le véritable aristocrate, c’est-à-dire l’homme dont l’intelligence a été développée par une éducation supérieure. Il avait pu être très-beau dans sa jeunesse, car ses traits étaient fins et délicats ; le front, chauve en partie, était noble et grand, et il y avait une douceur presque féminine dans la courbe de la lèvre. L’expression générale de sa figure était imposante, mais triste. Souvent, lorsque mon expérience de la vie se fut accrue, il me sembla que je lisais, dans cette physionomie si expressive, l’histoire d’une ambition énergique courbée par une philosophie dédaigneuse et une conscience pleine de scrupules ; mais tout ce que j’y découvrais en ce moment, c’était une mélancolie vague et mécontente qui m’attristait moi-même, je ne savais pourquoi.

Trévanion se rapprocha de la table, ramassa ses lettres, se dirigea lentement vers la porte et disparut. Sa femme le suivit tendrement du regard. Les yeux de lady Ellinor me rappelaient ceux de ma mère, et c’est l’effet que produisaient sur moi tous les yeux qui exprimaient une affection dévouée. Je m’approchai d’elle ; je désirais vivement serrer cette main blanche, si nonchalamment étendue devant moi.

« Voulez-vous faire un tour de promenade avec nous ? » demanda Mlle Trévanion en se tournant vers moi.

Je m’inclinai, et bientôt je me trouvai seul. Pendant que ces dames cherchaient leurs châles et leurs chapeaux, je pris les journaux que M. Trévanion avait laissés sur la table, pour avoir l’air de faire quelque chose. Mon attention fut attirée par son propre nom souvent répété, et dans tous les journaux. Dans l’un on versait sur lui le mépris, dans l’autre on le comblait d’éloges ; mais un passage d’un journal, qui me parut viser à l’impartialité, me frappa tellement que je le retins dans ma mémoire, et je suis sûr d’en pouvoir répéter, sinon les termes exacts, du moins le sens. Voici à peu près ce paragraphe :

« Dans l’état présent des partis, on a assez naturellement consacré une place considérable aux mérites ou aux démérites de M. Trévanion. C’est un nom qui est incontestablement haut