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cette porte. Le jeune homme le suivait lentement. Tout à coup son regard rencontra le mien. Sa joue bronzée rougit légèrement ; il s’arrêta, et s’appuyant contre les jambages de la porte, me regarda fixement et me dit enfin :

« Bonsoir, monsieur. Vous trouvez qu’il est difficile de s’amuser dans cette triste ville. Les nuits sont longues hors de Londres.

— Oh ! m’écriai-je ingénument, tout m’amuse ici : les lumières, les boutiques, la foule ; car tout cela est nouveau pour moi. »

Le jeune homme vint à moi, comme pour m’inviter à me promener avec lui, et répondit avec un ton d’amertume qui n’était pas dans ses mélancoliques paroles :

« Il est une chose au moins qui ne peut être neuve pour vous, car c’est une vérité vieille pour chacun avant qu’il ait quitté la chambre de sa nourrice : nous sommes obligés d’acheter tout ce qui a du prix ; ergo, celui qui ne peut rien acheter ne possède rien qui ait du prix.

— Je ne pense pas, répliquai-je sagement, qu’il soit possible d’acheter les choses qui ont le plus de prix. Voyez ce pauvre joaillier hydropique debout devant la porte de son magasin, qui est le plus beau de la rue. J’ose dire qu’il s’estimerait heureux de le céder à vous ou à moi en échange de notre santé et de nos bonnes jambes. Oh ! non ; je pense avec mon père que tout ce qui a réellement du prix est donné à tout le monde, et c’est la nature et le travail.

— Votre père dit cela, et vous ajoutez foi à ses paroles. Tous les pères, sans doute, ont prêché la même chose avec beaucoup d’autres belles doctrines, depuis qu’Adam prêchait Caïn ; mais je ne vois pas que les pères aient trouvé en leurs fils des auditeurs bien crédules.

— Tant pis pour les fils ! dis-je sèchement.

— La nature, continua ma nouvelle accointance sans faire attention à mon exclamation, la nature nous donne beaucoup, c’est vrai, et la nature ordonne aussi à chacun de nous de faire usage de ses dons. Si la nature vous donne l’amour du travail, vous travaillerez. Si elle me donne l’ambition de m’élever et le mépris du travail, je m’élèverai peut-être, mais certainement je ne travaillerai pas.

— Ah ! vous êtes d’accord avec Squills, je crois ; vous vous