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— Impertinent ! rosser ! » s’écria M. Peacock en rougissant ; mais, à l’aspect du sourire moqueur qui se dessinait sur les lèvres de son compagnon, il se rassit et bouda en silence.

Cependant je payai ma note. Après avoir rempli ce devoir rarement agréable, je cherchai mon sac du regard, et l’aperçus entre les mains du jeune homme. Il lisait, sans se troubler, l’adresse que j’avais eu la prudence d’y attacher, prévoyant le cas d’accident.

Pisistrate Caxton, Esquire.
Hôtel de… rue de… Strand.

Je reçus le sac de ses mains, plus surpris d’une telle infraction aux bonnes manières de la part d’un jeune homme qui connaissait si bien la vie, que je ne l’eusse été de la part de M. Peacock. Il ne me fit pas d’excuses, mais un signe d’adieu, après quoi il s’étendit de tout son long sur le banc. M. Peacock, alors absorbé par un jeu de patience, ne daigna pas répondre à mon salut ; et un moment après je me trouvai seul sur la route. Mes pensées roulèrent longtemps sur le jeune homme que je venais de quitter. J’éprouvais pour lui une sorte de compassion instinctive, en songeant au funeste avenir qui devait résulter de ses habitudes et de la compagnie dans laquelle il vivait ; et je sentais en même temps une admiration involontaire, moins pour ses beaux yeux que pour son aisance, son audace et l’insouciante supériorité qu’il avait su prendre sur un camarade beaucoup plus âgé que lui.

Le jour approchait de sa fin lorsque j’aperçus les clochers d’une ville où j’avais intention de passer la nuit. Le son du cor d’une diligence qui venait derrière moi me fit tourner la tête, et lorsqu’elle passa je reconnus, sur la banquette extérieure, M. Peacock luttant de nouveau contre un cigare, et son jeune ami étendu parmi les bagages, sa belle tête appuyée sur une main, et ne paraissant faire attention ni à moi ni à personne.