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Heureusement le sujet de cet ouvrage ne défendait pas à l’écrivain de s’abandonner à cette ironie naïve qui était particulière à son humeur si calme et si profonde.

Le livre de mon père était l’Histoire des erreurs de l’humanité. C’était, par conséquent, l’histoire morale du genre humain, racontée avec une vérité et une gravité qui ne laissaient pas de faire naître sur les lèvres un innocent sourire. Et parfois ce sourire faisait couler de douces larmes ; mais dans toute véritable humour on trouve le pathétique, qui en est le germe.

Ah ! par la déesse Moria ou Folie, il était bien chez lui dans son sujet. Il considérait d’abord l’homme à l’état sauvage, préférant les récits positifs des voyageurs aux mythes obscurs de l’antiquité, aux rêves de ceux qui font des théories sur notre état primitif. Il faisait les portraits de l’homme en Australie et en Abyssinie avec des couleurs aussi vives que s’il avait passé toute sa vie au milieu des Bushmen et des sauvages. Il traversait ensuite l’Atlantique et vous présentait l’Indien d’Amérique avec son noble caractère, s’efforçant d’entrer dans l’aurore de la civilisation, au moment même où l’ami Penn le dépouillait des droits de sa naissance et où l’Anglo-Saxon le repoussait dans les ténèbres. Il montrait l’analogie et les contrastes qui existent entre ce spécimen de notre espèce et d’autres également éloignés des extrêmes de l’état sauvage et de l’état civilisé : l’Arabe sous sa tente, le Teuton dans ses forêts, le Groenlandais dans son bateau, le Finnois dans son traîneau attelé de rennes. Soudain on voyait apparaître les grossières divinités du Nord ; ensuite il ressuscitait le druidisme depuis le temps où il n’avait pas de temples jusqu’à l’époque de sa décadence, d’où datent les cromlechs et les idoles. À côté s’élevaient le Saturne des Phéniciens, le Budh mystique des Indiens, les déités élémentaires des Pélasgiens, le Naith et le Sérapis de l’Égypte, l’Ormuzd de la Perse, le Bel de Babylone, les génies ailés de la gracieuse Étrurie.

Comment la nature et la société donnèrent une forme à la religion ; comment la religion elle-même forma les mœurs ; comment et par quelles influences certaines tribus se civilisèrent, tandis que d’autres restaient stationnaires ou disparaissaient dans la guerre et l’esclavage : tout cela était raconté avec une précision vive et claire comme la voix du destin. Mon