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mal de lui en son absence. On racontait mille petites anecdotes au sujet de ses habitudes personnelles, de sa générosité, de son indépendance d’esprit, de son excentricité. Éveline écoutait tout cela dans un silencieux ravissement ; elle n’avait jamais passé une soirée aussi agréable ; et elle adressa un sourire presque reconnaissant au recteur, qui avait toujours pour habitude de suivre le courant de l’opinion, lorsqu’il dit, avec un air de bienveillante affabilité :

« Il faut vraiment que nous témoignions tous les égards possibles à notre illustre voisin ; nous devons nous montrer indulgents pour ses petites excentricités. Ses opinions politiques ne sont pas les miennes, il est vrai. Mais un homme qui a de grands intérêts de fortune dans le pays a le droit d’avoir l’opinion qui lui convient ; telle a toujours été ma maxime. Dieu merci, je suis un homme très-modéré. Il faut que nous l’attirions parmi nous ; ce ne sera pas par notre faute, je vous assure, s’il n’est pas bientôt tout à fait à son aise au presbytère.

— Sans doute… avec tant de charmes pour l’y attirer, dit le maigre vicaire, en saluant timidement les dames.

— Ce serait un bon parti pour miss Caroline, » dit tout bas une vieille dame. Caroline l’entendit et une moue dédaigneuse contracta ses jolies lèvres.

On disposa les tables de Whist : On commença à faire de la musique ; et on laissa Maltravers en paix.

Le jour suivant, M. Merton monta son poney et se rendit à Burleigh. Maltravers n’était pas chez lui. M. Merton laissa sa carte, et un billet respectueux et amical, par lequel il priait M. Maltravers de mettre de côté toute cérémonie, et de venir dîner au presbytère le jour suivant. Le recteur éprouva quelque étonnement en voyant que l’esprit actif de Maltravers était déjà en mouvement. Le parc si longtemps désert était rempli d’ouvriers ; les charpentiers étaient occupés à réparer les clôtures ; la maison était pleine de vie et de mouvement ; des valets d’écurie exerçaient les chevaux dans le parc : tout enfin annonçait le retour du maître, après sa longue absence : autant de signes vraisemblables que Maltravers comptait habiter le pays ; le recteur pensa à Caroline, et éprouva une certaine satisfaction.

Le jour suivant était l’anniversaire de la naissance de Cécile. On observait toujours les anniversaires au presbytère de Merton : les enfants du voisinage étaient invités à la célébration de celui-ci. Ils devaient dîner sur la pelouse,