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tendu dire qu’on l’attendait prochainement à Burleigh. C’est une vieille habitation assez curieuse, mais très-mal entretenue ; je crois même qu’on ne l’a pas remeublée depuis le règne de Charles Ier. (Cécile, tenez-vous droite, mon enfant.) C’est une demeure fort triste, à mon avis ; il n’y a pas une seule belle pièce dans toute la maison, à part la bibliothèque, qui était jadis une chapelle. Cependant il y a beaucoup de gens qui viennent de fort loin pour la visiter.

— Voulez-vous que nous y allions aujourd’hui ? dit languissamment Caroline, le chemin à travers les champs et le bois est fort agréable, et il n’y a pas plus d’un demi-mille de marche par le petit sentier.

— Cela me ferait grand plaisir.

— Oui, dit mistress Merton, et vous feriez bien d’y aller avant le retour de M. Maltravers ; il est si singulier ! Il ne permet pas qu’on visite son vieux manoir quand il y est. Mais du reste il n’y est venu qu’une fois depuis sa majorité. (Sophie, vous allez mettre en lambeaux l’écharpe de miss Cameron ; restez donc tranquille, mon enfant.) C’était avant qu’il devînt un personnage illustre ; il était alors fort original ; il ne voyait personne, et n’accepta pas à diner une seule fois chez nous, bien que M. Merton l’accablât de politesses. On montre aux curieux la chambre où il a écrit ses ouvrages.

— Je me souviens fort bien de lui, quoique je ne fusse alors qu’une enfant, dit Caroline ; il avait une belle figure rêveuse.

— Vous trouvez, ma chère ? Il avait de beaux yeux et de belles dents, assurément, et une stature imposante, mais voilà tout.

— Eh bien ! Éveline, si vous voulez y aller, dit Caroline, je suis à votre service.

— Et moi, Éveline chérie, moi aussi, je puis y aller, n’est-ce pas ? dit Cécile, en s’accrochant à Éveline.

— Et moi aussi, bégaya Sophie, la plus jeune espérance de la famille ; il y a un si joli paon à Burleigh !

— Oh ! oui ; elles peuvent venir, n’est-ce pas, mistress Merton ? nous en prendrons le plus grand soin.

— Très-bien, ma chère, mes enfants, miss Cameron vous gâte complétement. »

Éveline courut mettre son chapeau, et les enfants la suivirent, en frappant des mains ; elles ne pouvaient se résoudre à la perdre des yeux un seul instant.