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ses manières étaient affables pour ses inférieurs, quoique gracieusement obséquieuses pour ses supérieurs ; et il n’y avait rien chez lui qui blessât jamais l’amour-propre d’autrui. Pour ajouter encore aux charmes de sa maison, il avait sa femme, qui, simple, aimable et bonne, causait volontiers avec le premier venu, se chargeait des fâcheux, et laissait les gens s’amuser comme ils l’entendaient. De plus il avait un grand nombre de beaux enfants de tout âge, qui avaient longtemps servi de prétexte à l’organisation de petits bals improvisés et de dîners sur l’herbe, qu’on qualifiait du titre de réunions d’enfants ; ce qui donnait de la gaîté au voisinage. Caroline était l’aînée ; puis venait un fils, attaché d’ambassade en pays étranger ; puis un autre fils qui, bien qu’il n’eût que dix-neuf ans, était secrétaire particulier de l’un de nos satrapes de l’Inde. Éveline perdit donc, malheureusement, l’occasion de cultiver la connaissance de ces deux jeunes gens : perte bien regrettable pour elle, s’il fallait en croire monsieur et madame Merton. Mais, pour la dédommager de cette privation, il y avait encore deux charmantes petites filles, l’une de dix ans, et l’autre de sept, qui s’éprirent d’Éveline à première vue. Caroline était l’une des beautés en renom du comté ; elle était spirituelle, elle avait une conversation attrayante, elle plaisait aux jeunes gens, et donnait la mode aux demoiselles, surtout lorsqu’elle revenait de chez lady Élisabeth après y avoir passé la saison fashionable.

C’était une famille charmante.

Au physique M. Merton était blond et de moyenne taille ; il avait une tendance à l’obésité, de petits traits, de belles dents, et un parler très-séduisant. Conservant le souvenir du temps où il comptait dans les rangs de la jeunesse élégante, il apportait un grand soin à sa toilette. Son habit noir (rehaussé le soir par un gilet blanc, et un devant de chemise admirablement plissé, décoré de simples boutons émaillés, de couleur foncée), son pantalon de forme irréprochable, ses souliers soigneusement vernis (il tirait une vanité naïve de ses pieds et de ses mains), lui valaient l’approbation unamime des dandys qui l’honoraient de temps à autre d’une visite, pour tuer son gibier et faire la cour à sa fille. Tous s’accordaient à dire que « ce vieux Merton était un parfait gentilhomme ; et qu’il se mettait furieusement bien, pour un prêtre ! »

Tel était, mentalement, moralement et physiquement le