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tifs à d’autres matières plus sérieuses, que le vieillard adressa à son cœur, si bien préparé, dans une pareille heure, à recevoir des impressions religieuses. Leur entretien roula ensuite sur lady Vargrave, sujet bien cher à tous deux. Le vieillard fut profondément touché de la préoccupation désintéressée de la pauvre fille pour le bien-être de sa mère, de ses craintes que cette dernière ne sentît l’absence de ces petits soins que l’amour filial seul peut prodiguer ; il fut plus attendri encore, lorsque, avec un sentiment moins désintéressé, Éveline ajouta tristement :

« Cependant pourquoi me figurer que je vais lui manquer ? Ah ! quoique je n’ose point m’en plaindre, je sens toujours qu’elle ne m’aime pas comme je l’aime.

— Éveline, dit le pasteur, d’un accent de doux reproche, ne vous ai-je pas dit que votre mère a connu la douleur ? La douleur n’anéantit pas l’affection, mais elle en amortit l’expression, et elle en tempère les marques extérieures. »

Éveline soupira et ne dit plus rien.

Au moment où le vieillard et sa jeune amie se rapprochaient du cottage, ils virent s’avancer lord Vargrave et Caroline, qui venaient du côté opposé des jardins. Lumley s’empressa auprès d’Éveline, avec sa gaîté et sa vivacité habituelles ; et il y avait tant de charme dans les manières de cet homme à qui, en apparence, le monde et ses soucis n’avaient pu enlever ses élans de franchise, que le pasteur lui-même en fut frappé. Il pensa qu’Éveline pourrait se trouver heureuse avec un homme assez aimable pour être un ami, assez sage pour être un guide. Mais, tout vieux qu’il était, il avait aimé, et il savait qu’il y a certains instincts dans le cœur qui déjouent tous nos calculs.

Tandis que Lumley causait, la petite porte de communication entre le jardin et le cimetière contigu par lequel on arrivait au village, cria sur ses gonds, et l’ombre solitaire de lady Vargrave se projeta lentement sur la pelouse.