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temps pour modifier cette résolution. Le pasteur était retourné à Brook Green, et ses lettres entretenaient les espérances d’Ernest et rassuraient ses craintes. À mesure qu’il avait davantage le temps de la réflexion, les teintes colorées et éblouissantes dont l’image d’Éveline s’était parée à ses yeux, s’effaçaient de plus en plus, et chaque jour une auréole plus brillante environnait son premier amour. À mesure qu’il méditait l’histoire passée d’Alice, et la singulière beauté de son fidèle attachement, il se sentait de plus en plus saisi d’étonnement et d’admiration, de plus en plus empressé de s’unir à celle envers qui la nature avait été si prodigue des dons qui font de la femme l’ange et l’étoile de la vie.

Le temps s’écoulait ; les nouvelles que Maltravers recevait de Paris confirmaient toutes ses prévisions ; les assiduités de Legard avaient remplacé les siennes auprès d’Éveline. Ce fut alors qu’il commença à se demander si la fortune d’Éveline et de son futur mari était assez considérable pour assurer honorablement leur avenir. La fortune est quelque chose de si indéterminé selon les besoins qu’on lui donne à satisfaire !

En dépit de toutes ses bonnes qualités, Legard était naturellement négligent et dépensier ; et Éveline avait trop peu d’expérience, et peut-être trop de douceur, pour corriger ces tendances. Maltravers apprit que la fortune de Legard exigeait de l’économie, et il craignait que, malgré sa réforme, Legard n’eût pas assez de fermeté et d’abnégation pour s’y contraindre. Après réflexion, il résolut d’ajouter secrètement aux débris de la fortune d’Éveline une somme qui, placée sur la tête de la jeune femme et reversible à ses enfants, parerait à tous les dangers de l’imprévoyance de son mari et préviendrait ces embarras financiers, les plus grands perturbateurs de la paix domestique. Il put accomplir cet acte de générosité, à l’insu de l’un et de l’autre, en leur faisant croire que cette somme provenait des débris de la fortune d’Éveline, et des profits de la vente des maisons de C***, qui nécessairement n’avaient pas été compromises dans la banqueroute de Douce. Puis, si jamais il épousait Alice, le douaire de sa femme, qui lui était assuré sur la propriété appartenant à la villa de Fulham, reviendrait à Éveline. Maltravers ne pourrait jamais accepter ce qu’Alice tenait d’un autre. Pauvre Alice ! Non ! il ne pouvait accepter cette fortune modeste que tu avais regardée souvent avec tant de