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une conquête bien plus facile. Ses grands yeux noirs semblaient pleins d’admiration pour ma Seigneurie ! ô jeune femme de sens !… Elle me sera peut-être utile pour piquer Éveline au jeu.


CHAPITRE X

Julio. Veux-tu de lui ?
(La fille du moulin.)

Lord Vargrave apprit le lendemain matin, avec un déplaisir secret, la visite que devait faire Éveline dans la famille Merton. Il ne pouvait guère s’y opposer ouvertement, mais il ne ménagea pas les insinuations sur l’inopportunité de ce Voyage.

« Ma chère amie, dit-il à lady Vargrave, je ne sais pas trop si vous faites bien (pardonnez-moi ma franchise) de confier Éveline aux Soins de personnes qui vous sont comparativement étrangères. Il est vrai que vous connaissez mistress Leslie ; mais vous avouez vous-même que c’est la première fois que vous vous rencontrez avec mistress Merton : une personne très-recommandable, sans doute ; mais souvenez-vous combien Éveline est jeune, combien elle est riche ; quel beau parti pour quelque fils cadet de la famille Merton, s’il y en a ! Miss Merton elle-même est une jeune fille pleine de finesse et de calcul ; si elle était de notre sexe, elle serait de première force à la chasse aux héritières. N’allez pas croire que mes craintes soient dictées par l’égoïsme ; je ne parle pas pour moi : mais si j’étais le frère d’Éveline, j’insisterais encore davantage dans mes observations.

— Vous savez, lord Vargrave, que la pauvre Éveline ne s’amuse guère ici. Ma tristesse est contagieuse. Il faudrait qu’elle fréquentât davantage des personnes de son âge, qu’elle allât un peu plus dans le monde, avant… avant…

— Avant son mariage avec moi ? Pardonnez-moi, mais n’est-ce pas là mon affaire ? Si je suis satisfait, enchanté même de son innocence, si je préfère cette innocence à