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CHAPITRE II

Ah ! qui va là ? Ami, ou ennemi, vous pouvez venir ! Mes parcs, mes domaines, mes châteaux, tout ce que je possédais, tout m’abandonne maintenant.
(Shakespeare. Henri VI, 3e partie.)

Lord Vargrave, malgré son courage naturel, s’efforçait en vain de bannir la sombre impression que lui avait laissée son effrayante entrevue avec Cesarini. La figure, la voix du fou, le poursuivaient, comme l’apparition de l’ombre prophétique poursuit le montagnard. Il rentra sur-le-champ à son hôtel, et pendant plusieurs heures il ne put retrouver assez de calme pour faire sa visite accoutumée à miss Cameron. Résolu de ne pas s’exposer à une seconde rencontre avec l’Italien pendant le reste de son séjour à Paris, en se hasardant dans les rues à pied, il commanda sa voiture vers le soir, dîna au café de Paris, puis remonta dans son équipage pour se rendre chez lady Doltimore.

« Je vous demande excuse, mylord, lui dit son domestique en fermant la portière, mais j’ai oublié de vous dire que, peu de temps après votre retour ce matin, un étranger est venu demander au concierge si M. Ferrers ne restait pas dans cet hôtel. Le concierge lui répondit que non, mais le monsieur insista, disant qu’il avait vu entrer M. Ferrers. J’étais dans la loge du concierge en ce moment, mylord, et je lui expliquai…

— Que M. Ferrers et lord Vargrave étaient une seule et même personne ? Quelle espèce d’individu était-ce ?

— Un homme maigre et brun, mylord, un étranger évidemment. Lorsque je lui dis que vous étiez maintenant lord Vargrave, il me regarda pendant un moment, puis il dit, très-brusquement, qu’il s’en souvenait parfaitement, puis il Se mit à rire, et s’en alla.

— Ne demanda-t-il pas à me voir ?

— Non, mylord ; il dit qu’il repasserait un autre jour. Il avait l’air bien singulier, ce monsieur, et ses habits étaient usés jusqu’à la corde.