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sents, et paraissait aimer les chiens avec la même passion qu’elle. Mais le changement qui s’était récemment opéré dans les manières d’Éveline à son égard, les accès fréquents de découragement et de préoccupation auxquels elle semblait en proie, et que mistress Leslie avait un jour signalés à lady Vargrave, réveillèrent toute la tendre et maternelle sollicitude de celle-ci. Elle prit la résolution d’observer, d’examiner, d’analyser, non-seulement la manière dont Éveline accueillerait Vargrave, mais, autant qu’il lui serait possible, le caractère et l’attitude de Vargrave lui-même. Elle sentait combien était solennelle la mission qui lui était confiée, de veiller au bonheur d’une existence si chère, et elle en était encore à ce roman du cœur, qu’elle avait lu dans la nature, non dans les livres, et qui lui disait que, sans amour, il n’y a pas de bonheur dans le mariage.

Toute la famille était assemblée sur la pelouse, lorsque, une heure plus tôt qu’on ne s’y attendait, la voiture de voyage de lord Vargrave roula rapidement dans l’étroite avenue qui conduisait de la loge à la maison. Vargrave, dès qu’il vit ce groupe de personnes, mit la tête à la portière, et baisa sa main ; et lorsque la voiture s’arrêta devant le perron, il sauta précipitamment, et courut au-devant de son hôtesse.

« Ma chère lady Vargrave, que je suis heureux de vous voir ! Vous avez une mine charmante. Et Éveline ? Ah ! la voilà ; la chère coquette, qu’elle est ravissante ! Elle a énormément gagné ! Mais quelles sont ces dames ? ajouta-t-il d’une voix plus basse.

— Des amies qui sont en visite chez nous : mistress Leslie, dont vous nous avez souvent entendues parler, mais que vous n’avez jamais vue…

— Oui ; et les autres ?

— Sa fille et sa petite-fille.

— Je serai charmé de faire leur connaissance. »

Il est impossible d’imaginer des manières plus engageantes que celles de lord Vargrave. Franc, aimable et séduisant, même lorsqu’il n’était encore que le pauvre et insouciant M. Ferrers, sans titre ni réputation, son sourire, le ton de sa voix, sa courtoisie familière, qui semblait si spontanée, si naturelle, et qui rappelait presque les élans de bonne humeur d’un adolescent, tout cela était irrésistible chez l’homme d’État considéré, chez le courtisan en faveur.

Mistress Merton fut enchantée de lui ; Caroline le trouva,