Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/427

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LIVRE XI


CHAPITRE I


Il grinçait des dents avec fureur et faisait entendre de vaines menaces de vengeance.
(Spenser.)


Il est temps de revenir à lord Vargave. Ses plus chères espérances se réalisaient, tout semblait lui réussir. La main d’Éveline Cameron lui était promise, le jour du mariage était fixé. Dans moins d’une semaine, elle apporterait au Pair ruiné une dot splendide qui aplanirait tous les obstacles opposés à son ambition. Il recevait de M. Douce la nouvelle que les actes qui devaient lui transférer les propriétés seigneuriales du chef de la famille de Maltravers, étaient presque prêts ; et il espérait pouvoir faire annoncer, le jour de son mariage, que les heureux époux étaient partis pour leur château princier de Lisle Court. En politique, quoique rien ne pût être définitivement arrangé jusqu’à son retour, les lettres de lord Saxingham l’assuraient que tout se présentait sous les auspices les plus favorables : la cour et les chefs de l’aristocratie devenaient de jour en jour plus contraires au premier ministre et plus disposés à une révolution de cabinet. Aussi Vargrave, comme la plupart des hommes aux abois, s’exagérait peut-être les avantages que lui vaudrait sa nouvelle position de grand propriétaire et de pair opulent. Il n’était pas insensible à la douleur muette que semblait éprouver Éveline, ni à l’amère tristesse qui assombrissait le front de lady Doltimore. Mais ces nuages-là ne présageaient aucun orage ; c’étaient des ombres légères qui m’obscurcissaient point la sérénité d’un ciel favorable.