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« Je vous demande mille pardons, dit ce dermier d’un ton de grande agitation : mais je désirais vivement vous voir quelques instants. Je viens de rentrer en Angleterre ; tous les lieux me paraissent également haïssables. Je lis dans les journaux une… une nouvelle qui… qui me cause le plus grand… je ne sais ce que je voudrais vous dire… mais est-ce vrai ? Lisez ce paragraphe ?

Legard plaça le Courrier devant Maltravers. Le passage en question contenait ce qui suit :

« Le bruit se répand que Lord Vargrave, qui est actuellement à Paris, doit épouser dans peu de jours la belle et riche miss Cameron, à laquelle il est depuis longtemps fiancé. »

« Est-ce possible ? s’écria Legard, suivant Maltravers des yeux, pendant qu’il parcourait le paragraphe : n’était-ce pas vous qui étiez l’amoureux, le fiancé heureux et accepté de miss Cameron ? Parlez ; dites-moi, je vous, en conjure, que ce fut pour vous, qui aviez sauvé ma vie et racheté mon honneur, et non pour ce froid intrigant, que je renonçai à toutes mes espérances de bonheur sur la terre, et que j’abandonnai l’espoir d’obtenir un jour le cœur et la main de la seule femme que j’aie jamais aimée ! »

Une ombre de tristesse se répandit sur les traits de Maltravers. Il considéra longtemps la physionomie agitée de Legard, puis il lui dit, après un moment de silence :

« Vous aussi vous l’aimiez donc ! Je ne l’ai jamais su, je ne l’ai jamais deviné ; ou si le soupçon m’en vint une fois ce ne fut que pour un instant, et…

— Oui, interrompit Legard d’un accent passionné, le ciel m’est témoin avec quelle ferveur, quelle tendresse j’aimais, j’aime encore Éveline Cameron ! Mais quand vous me fîtes l’aveu de votre amour, de vos espérances, je sentis tout ce que je vous devais ; je sentis que je ne pouvais pas être votre rival. Je quittai brusquement Paris. Ce que j’ai souffert, je ne vous le dirai pas ; mais j’éprouvais quelque consolation en songeant que j’avais agi comme devait le faire celui qui avait contracté vis-à-vis de vous une dette que rien ne pouvait jamais acquitter. Je voyageai d’un lieu à un autre, panorama monotone et fatigant ; à la fin, je ne sais trop pourquoi, je revins en Angleterre. Je suis arrivé d’aujourd’hui ; et maintenant… mais dites-moi si c’est vrai ?

— Je crois qu’il est vrai qu’Éveline est en ce moment promise à lord Vargrave, dit Maltravers d’une voix sourde. Je