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main, Il n’y a pas un jour à perdre ; il faut que nous arrachions Éveline à cette infâme machination.

— Éveline ! oui, Éveline sera sauvée ! mais le reste !… pourquoi détournez-vous la tête ?

— Vous n’êtes pas un pauvre artiste, un aventurier errant ; vous êtes le noble, le riche, le célèbre Maltravers ; Alice ne peut rien vous donner. Vous avez obtenu l’amour d’Éveline : Alice ne peut condamner l’enfant confiée à ses soins aux tourments d’un amour sans espoir. Vous aimez Éveline ; Alice ne peut se comparer à une personne si jeune, si belle, dont l’amour est un trésor sans prix. Alice vous prie de ne pas vous affliger à cause d’elle, elle sera bientôt contente et heureuse de votre bonheur. Voilà son message.

— Et qu’avez-vous répondu ?… lui avez-vous dit que des paroles semblables me briseraient le cœur ?

— Peu importe ce que j’ai dit. Je me défie toujours de moi-même, lorsque je lui donne des conseils. Ses sentiments sont plus vrais que toute notre sagesse ! »

Maltravers ne répondit pas, et le prêtre le vit se diriger rapidement, au milieu des tombes éclairées par les étoiles, vers le village.


CHAPITRE VII

Pensez-vous que je puisse aller puiser de la résolution dans les mignardises d’une tendresse fleurie ?
(Shakespeare. — Mesure pour mesure.)

Ils étaient sur la route de Douvres. Maltravers s’était enfoncé dans l’angle de la voiture, son chapeau tiré sur son front, il ne faisait pas encore assez jour pour que le pasteur pût apercevoir autre chose que la silhouette de ses traits.

Les bornes milliaires disparaissaient rapidement, et ni l’un ni l’autre des voyageurs ne rompait le silence. C’était une matinée froide et humide ; le brouillard se dissipait lentement, laissant apercevoir les haies ruisselantes et les champs mornes.

Maltravers examinait les recoins de sa conscience, et les pages à demi effacées du passé, avec une implacable sévé-