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grave avec miss Cameron était maintenant une chose de notoriété publique ; qu’il serait célébré dans peu de jours ; qu’on remarquait avec défiance que miss Cameron ne se montrait nulle part ; qu’elle semblait presque retenue prisonnière dans sa chambre ; que certaines expressions échappées à lady Doltimore l’avaient vivement inquiétée. À en juger par ces paroles légères, il paraissait que lady Vargrave n’était pas avertie de ce mariage prochain. Prenant en considération le récent engagement de miss Cameron avec Maltravers, subitement (et de l’avis de Valérie inexplicablement) rompu dès l’arrivée de lord Vargrave, l’extrême jeunesse de miss Cameron, et sa brillante fortune ; prenant aussi en considération (insinuait délicatement Mme de Ventadour) la réputation qu’avait lord Vargrave d’apporter une persistance sans scrupules à l’accomplissement de tous ses desseins, Mme de Ventadour se permettait, par tous ces motifs, d’écrire à la mère de miss Cameron pour la mettre en garde contre un complot ou une machination possible. La meilleure excusé qu’elle pût invoquer pour se faire pardonner cette indiscrétion était le vif intérêt que lui inspirait miss Cameron, et sa longue et ancienne amitié pour la personne à qui elle avait été tout récemment fiancée. Si lady Vargrave connaissait le nouvel engagement, et y donnait son approbation, l’intervention de Mme de Ventadour était assurément superflue et intempestive ; mais le véritable motif auquel il fallait l’attribuer n’en devait pas moins lui servir d’excuse.

Il était facile pour Maltravers de reconnaître dans cette lettre le zèle et l’amitié généreuse qui avait pu décider cette femme du monde à faire une telle démarche. Mais il ne pensa pas à tout cela, en parcourant rapidement la lettre de Valérie : il frémit seulement à la pensée du danger que courait Éveline.

« Cette nouvelle, dit Aubrey, surprendra effectivement beaucoup lady Vargrave. Car ni Éveline, ni lord Vargrave, ne nous ont écrit un seul mot qui nous annonçât ce mariage ; et nous croyions tous deux, jusqu’à ce jour, que l’engagement entre Éveline et monsieur… Je veux dire, reprit Aubrey avec embarras, je veux dire entre Éveline et vous, subsistait encore. La perfidie de lord Vargrave est manifeste ; il faut que nous agissions immédiatement. Que faire ?

— Je retournerai à Paris dès demain ; je déjouerai ses manœuvres, je démasquerai son imposture !