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« Chut ! elle dort là-dessous… ton enfant !… »

Elle se couvrit le visage de ses mains, et tout son être s’agita convulsivement.

À côté d’elle, et devant cette tombe, s’agenouilla Maltravers. Ce fut là que s’évanouit le dernier débris de son stoïque orgueil ; et ce fut là qu’oubliant même Éveline, il pria le ciel de lui pardonner, et de bénir ce cœur qu’il avait trahi. Ce fut là aussi qu’il fit le vœu solennel de consacrer les années de vie qui lui restaient encore à défendre de tout chagrin l’amante fidèle, la mère à qui le ciel avait ravi son enfant.


CHAPITRE VI

La fortune ne viendra-t-elle jamais, les deux mains pleines, sans écrire ses plus belles paroles en lettres ignobles ?
(Shakespeare. — Henri VI. 2e partie.)

Je passe ces explications, ces annales de l’existence agitée d’Alice, que Maltravers reçut de ses lèvres, pour confirmer et compléter le récit du pasteur dont le lecteur connaît déjà le résumé.

Il se passa plusieurs heures avant qu’Alice fût assez calme se rappeler le motif qui l’avait amenée chez M. Aubrey. Elle avait posé la lettre qu’elle avait apportée, et qui expliquait tout, sur la table du presbytère ; et lorsque Maltravers, après avoir enfin décidé Alice (qui semblait craindre de le perdre de vue un seul instant) à se retirer dans son appartement pour y prendre un peu de repos, reprit le chemin du presbytère, il rencontra Aubrey dans le jardin. Le vieillard avait pris le privilège reconnu d’un ami ; il avait lu la lettre destinée évidemment à ses regards. Inquiet, plein d’alarmes, il cherchait avec anxiété Maltravers pour le consulter. La lettre, écrite en anglais (langue aussi familière à celle qui écrivait que sa langue maternelle), était de Mme de Ventadour. Les sentiments les plus bienveillants l’avaient évidemment dictée. Elle s’excusait brièvement de son intervention ; puis elle rapportait que le mariage de lord Var-