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vous et les vôtres, dit Templeton, si vous voulez bien vous charger de cette petite étrangère. C’est l’enfant d’une personne qui me fut très-chère ; elle est orpheline ; je ne sais à qui la confier, si ce n’est à vous. Laissez croire, pour le moment, qu’elle est à vous, que c’est votre fille aînée. »

Alice ne pouvait rien refuser à son bienfaiteur ; mais son cœur ne s’ouvrit pas, tout d’abord, pour cette belle enfant, dont les yeux étincelants et les joues vermeilles semblaient railler les regards éteints et la pâleur de son enfant chérie. Cependant la malade parut saluer avec joie l’arrivée d’une camarade de jeu ; elle sourit, elle tendit ses pauvres petites mains amaigries, elle poussa un cri de joie inarticulé. Alice fondit en larmes, et les serra toutes deux contre son cœur.

M. Templeton prit soin de ne pas habiter sous le même toit que celle dont il avait maintenant l’intention sérieuse de faire sa femme ; mais il suivit Alice au bord de la mer, et il vint la voir chaque jour. Son enfant reprit des forces ; elle se cramponnait à la vie avec une si grande ténacité ! Pauvre petite ! elle ne pouvait prévoir combien la vie est une chose amère pour la plupart ! Ce fut alors que Templeton, apprenant par Alice son aventure avec son amant absent, apprenant que toute espérance de ce côté-là s’était évanouie, saisit l’occasion, et se déclara. Dans ce moment-là le cœur d’Alice débordait de reconnaissance ; dans les regards ranimés de son enfant elle lisait tout ce qu’elle devait à son bienfaiteur. Mais cependant au mot d’amour, au mot de mariage, son cœur recula ; et l’amant perdu, infidèle, vint reprendre possession de ce pauvre cœur. D’une voix étouffée et altérée, elle étonna le banquier par son refus, en balbutiant, en pleurant, mais avec fermeté, elle refusa sa main.

Mais Templeton appela à son aide de nouveaux auxiliaires ; il se servit de l’enfant pour faire la cour à la mère. Il lui dépeignit l’avenir brillant que son mariage avec lui assurerait à sa fille qu’il chérissait, qu’il élèverait, qu’il enrichirait, comme si elle était à lui ; ces considérations ébranlèrent la résolution d’Alice, cependant elles ne prévalurent pas encore. Il eut recours à un appel plus généreux : il lui raconta une partie de l’histoire de Marie Westbrook, en ne commençant pourtant que de son mariage précipité et inconvenant ; il en attribua la précipitation à l’amour ; il lui fit comprendre les scrupules qu’il avait à reconnaître l’enfant d’une union que, bien certainement, le monde blâmerait ou tournerait en ridicule ; il s’étendit longuement sur le bienfait inestimable dont