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leur l’accablait d’un poids moins lourd. Peut-être aussi dut-il principalement à ce souvenir, qui le poursuivait sans cesse, le changement qui modifia sa première résolution. Il était toujours décidé à vendre son vieux château ; mais il irait d’abord en retirer pieusement ce saint portrait, il rassemblerait religieusement, pour les conserver, tous les objets qui avaient appartenu à celle dont sa naissance avait causé la mort. Heureuse de n’avoir jamais su à quelles cruelles épreuves était réservé son enfant !


CHAPITRE III

Les heures monotones s’écoulent et une nuageuse obscurité couvre le ciel.
(Shakespeare. — Richard III.)

Une fois encore, soudainement, et sans être attendu, le seigneur de Burleigh revint frapper aux portes de sa maison déserte. Et une fois encore la vieille femme de charge et ses satellites furent jetés dans le trouble et la consternation. Au milieu de figures plus étonnées que souriantes, Maltravers passa dans son cabinet de travail. Aussitôt que le feu fut allumé, que le désordre causé par son arrivée fut apaisé, et qu’il se trouva seul, il prit un flambeau, et se rendit dans la bibliothèque adjacente. Il était environ neuf heures du soir ; l’atmosphère de la pièce était humide et froide, et la lumière luttait faiblement contre l’obscurité de ces murailles garnies de livres et de sombres tapisseries. Maltravers posa le flambeau sur une table, tira le rideau qui masquait le portrait, et contempla avec une profonde émotion, mêlée d’une certaine terreur, cette belle figure, dont les yeux semblaient fixés sur lui avec une expression de mélancolique douceur. Il plane quelque chose de mystique autour de ces fantômes peints de nous-mêmes, qui survivent à notre poussière ! Quel est celui qui, en regardant longtemps et fixement un de ces vieux portraits, ne finit pas par se figurer un peu que la toile n’est pas insensible à ses regards ? On dirait que, en les considérant, on leur communique sa vie, et que ces yeux qui semblent suivre chaque mouvement sont animés par