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mie altérée et bouleversée de son fiancé. Des gouttes de sueur froide perlaient sur son front pâle et rigide, ses lèvres frémissaient comme sous l’angoisse d’une torture physique ; les muscles de son visage s’étaient détendus, et il y avait, dans la fixité et l’éclat fébrile de son regard, quelque chose de sauvage qui épouvanta Éveline.

« Vous êtes malade, Ernest !… cher Ernest, vous êtes malade ! votre regard me glace !

— Non, Éveline, dit Maltravers en recouvrant son empire sur lui-même, par un de ces efforts dont sont seuls capables les hommes qui ont souffert sans chercher de sympathie, — non, je vais mieux à présent ; j’ai été malade, très-malade, mais je vais mieux !

— Malade !… et je ne l’ai pas su ! »

En disant ces mots, elle essaya de lui prendre les mains. Maltravers recula.

« C’est du feu !… cela brûle !… arrière !… s’écria-t-il avec emportement. Ô mon Dieu ! épargnez-moi, épargnez-moi ! »

Éveline était maintenant sérieusement effrayée ; elle le regardait avec la plus tendre compassion. Était-ce un de ces accès accablants d’hypocondrie auxquels on disait tout bas qu’il était sujet ? Tout singulier que cela puisse paraître, malgré sa frayeur, il lui était plus cher dans ce moment de sombre mélancolie que dans toute la splendeur de sa majestueuse intelligence, ou avec tout le charme de ses tendres discours.

« Que vous est-il arrivé ? dit-elle en se rapprochant de lui ; avez-vous vu lord Vargrave ? je sais qu’il est arrivé, car il m’a envoyé son domestique pour m’en prévenir. Vous aurait-il dit quelque chose qui vous ait contrarié ? ou bien (ajouta-t-elle timidement et en balbutiant) la pauvre Éveline vous aurait-elle offensé ? Parlez-moi, de grâce parlez-moi ! »

Maltravers se tourna vers elle ; son visage était maintenant calme et serein ; à part sa pâleur extrême et presque surnaturelle, on n’apercevait plus aucune trace de l’enfer qui le consumait intérieurement.

« Pardonnez-moi, dit-il avec douceur ; je ne sais ce matin ce que je dis ou ce que je fais. Ne vous en préoccupez pas ; ne vous préoccupez pas de moi ; cela se passera lorsque j’entendrai votre voix.

« Vous chanterai-je les paroles dont je vous parlais hier au soir ? Voyez, elles sont là toutes prêtes. Je les sais par