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leté consommée qui lui était habituelle. Il ne parut pas croire qu’il y eût eu aucune liaison réelle entre Alice et le soi-disant Butler. Il commença par demander tout simplement si, dans sa jeunesse, et lorsqu’elle demeurait à C***, Alice avait jamais connu une personne de ce nom-là ? La physionomie altérée, le tressaillement de surprise de mistress Leslie le convainquirent que ses soupçons étaient fondés.

« Pourquoi cette question, mylord ? dit la vieille dame. Est-ce pour savoir cela que vous m’avez fait l’honneur de me rendre visite ?

— Pas précisément, ma chère dame, dit Lumley en souriant. Mais je me rends à C*** pour affaires, et, outre que je voulais donner des nouvelles de votre santé à Éveline que je verrai bientôt à Paris, je désirais aussi savoir si vous pensez qu’il serait agréable à lady Vargrave, pour qui j’ai la plus réelle amitié, de renouveler connaissance avec ce M. Butler !

— Comment en parlez-vous, mylord ? est-ce que vous le connaissez ? qui est-ce ?

— Ah ! chère dame, je vois que vous voulez changer les rôles : pour une question que je vous fais, vous m’en adressez cinquante. Mais sérieusement, avant que je vous réponde, il faut que vous me disiez si lady Vargrave connaît effectivement une personne de ce nom. Pourtant, afin de vous épargner une peine inutile, je puis aussi bien vous dire que je sais qu’elle portait ce nom à C***, lorsque mon pauvre oncle y fit sa connaissance. Voici plutôt ce que je devrais vous demander : en supposant que M. Butler soit encore vivant, et que ce soit un gentilhomme riche et de bonne renommée, lady Vargrave serait-elle contente de le revoir ?

— Je ne puis vous le dire, fit mistress Leslie, fort embarrassée, en se rejetant au fond de son fauteuil.

— Il suffit, je ne m’occuperai pas davantage de cette affaire. Je suis heureux de vous voir en si bonne santé. Quelle belle propriété vous avez ! des arbres superbes ! Avez-vous des commissions pour C***, ou un message à transmettre à Éveline ? »

Lumley se leva pour partir.

« Arrêtez, dit mistress Leslie, qui se rappela l’affection inquiète, incessante, pleine de regrets qu’Alice avait toujours manifestée pour son amant perdu, et qui sentit qu’elle