LIVRE IX.
CHAPITRE I
Dès lors, les voiles virant au souffle des vents capricieux, vous avez vogué dans une autre direction.
Pendant plus de quinze jours lord Vargrave était resté à l’auberge de M***, trop malade pour qu’on pût le faire voyager sans danger dans une saison aussi rigoureuse. Lorsque enfin on le transporta à Londres, à petites journées, il eut une rechute, et son rétablissement fut lent et graduel. N’ayant pas l’habitude du mal, il ne supportait sa captivité forcée qu’avec une extrême impatience ; et, contrairement aux ordres de son médecin, il voulut à toute force continuer à s’occuper de ses travaux officiels, et conférer avec ses amis politiques, dans sa chambre à coucher. Lumley savait bien qu’il n’y a rien de fatal pour les hommes politiques comme de perdre la santé. Les dindons ne sont pas plus impitoyables à l’égard d’une collègue malade que les hommes politiques à l’égard d’un confrère souffrant ; ils font accroire que son cerveau est atteint, et veulent voir de la paralysie et de l’épilepsie dans chacun de ses discours, dans chacune de ses dépêches. Puis le temps de mettre à exécution ses grands desseins était proche, et lui rendait doublement nécessaire de se mettre en mouvement, et d’éviter de se laisser mettre au rancart, sous le prétexte plausible d’une