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CHAPITRE VII

Ton jeune cœur serait-il oppressé par les mystérieuses et solennelles influences de cette scène, que tu te rapproches encore davantage de moi ?
(F. Hemans. — Promenade dans les bois et hymne.)

Caroline et Éveline, comme on devait s’y attendre, se lièrent d’une étroite amitié. Elles n’avaient aucun rapport de caractère ; mais se trouvant toujours ensemble, elles ne purent faire autrement que de devenir amies. D’un esprit ingénu et enthousiaste, il était tout naturel qu’Éveline fût portée à l’admiration ; et Caroline était pour l’inexpérience de sa compagne une apparition nouvelle, brillante, imposante. Quelquefois les idées mondaines de miss Merton choquaient Éveline ; mais aussi Caroline avait une manière toute particulière de s’exprimer ; on eût dit qu’elle ne parlait pas sérieusement, qu’elle cédait simplement à une disposition ironique. Elle ne manquait pas non plus d’une certaine veine de sentiment qu’acquièrent facilement les gens un peu blasés sur le monde, et les jeunes personnes un peu aigries de ce qu’elles ne sont pas dames au lieu d’être demoiselles. Quelque usée que fût cette veine de sentiment, la pauvre Éveline la trouvait fort belle et fort touchante. Et puis Caroline était spirituelle, amusante, expansive, et elle avait cette supériorité superficielle qu’une fille de vingt-trois ans, connaissant Londres, exerce sur une jeune fille de dix-sept ans, élevée à la campagne. D’un autre côté, Caroline se montrait aimable et affectueuse vis-à-vis d’elle. La fille du pasteur sentait qu’elle ne devait pas toujours garder sa supériorité sur l’opulente héritière, même à propos des questions de mode.

Un soir mistress Leslie et mistress Merton étaient assises sous la véranda du cottage ; leur hôtesse les avait laissées seules pour aller au village. Les deux jeunes demoiselles échangeaient quelques confidences en se promenant sur la pelouse. Mistress Leslie dit tout à coup :