Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/329

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et sa famille ; et, d’après ce que j’entends dire, l’obscurité de son origine en serait la cause. Vous savez que, si l’on m’a accusé d’avoir l’orgueil de la naissance, c’est un orgueil d’un genre particulier. Je suis fier non de la longueur d’une généalogie qui tombe en poussière, mais de quelques quartiers historiques dans mon écusson ; du sang de quelques savants et de quelques héros qui coule dans mes veines. C’est le même genre de fierté que pourrait éprouver un Anglais en songeant qu’il appartient au pays qui a produit Shakespeare et Bacon. Je n’ai jamais, je l’espère, senti cet orgueil vulgaire qui fait mépriser l’obscurité de la naissance chez les autres ; et il m’importe fort peu que mon ami ou que ma femme soient descendus d’un roi ou d’un paysan. C’est moi seul qui puis déshonorer ma lignée, et non les relations que je forme ; par conséquent, quelque humble que soit la naissance de lady Vargrave, si vous appreniez quelque chose à ce sujet, n’hésitez pas à m’en faire part.

« J’ai eu, hier au soir, avec Éveline une conversation qui m’a fait grand plaisir. Par je ne sais quel hasard nous parlâmes de lord Vargrave ; elle me dit, avec une franchise charmante, la position dans laquelle elle se trouvait vis-à-vis de lui, et les scrupules nobles et consciencieux qu’elle éprouvait à jouir d’une fortune que son bienfaiteur avait évidemment souhaité qu’elle partageât avec son plus proche parent. J’approuve sincèrement ces scrupules ; et si j’épouse Éveline, mon premier soin sera d’y satisfaire, en assurant à Vargrave, autant que la loi me le permettra, la « plus grande partie des revenus de cette fortune (je voudrais dire la totalité), du moins jusqu’au moment où les enfants d’Éveline auront le droit de la réclamer ; et ce droit, ils ne pourraient l’invoquer pendant la vie de leur mère, ni probablement, par conséquent, pendant celle de Vargrave. J’avoue que ce ne serait pas un sacrifice ; car je suis assez fier pour que la pensée de devoir une fortune à la femme que j’aime me répugne. C’était un orgueil de ce genre qui donnait de la froideur et de la Contrainte à mon affection pour Florence. Du reste, ma fortune, considérablement augmentée par la simplicité de mes habitudes depuis plusieurs années, suffira amplement aux besoins d’Éveline et aux miens. Insensé que je suis ! Déjà je songe au mariage, et je ne sais même pas si je suis aimé ! Mais mon cœur bat : mon cœur est devenu un cadran, qui marque le