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dans la société de Legard, ou si ses hommages manifestes avaient une signification sérieuse. C’est au lecteur clairvoyant qu’il appartient de découvrir si cette mélancolie, dont avait parlé lady Vargrave dans sa correspondance avec Lumley, était causée par le souvenir de Maltravers, ou par des réminiscences secrètes de Legard.

Les Doltimore étaient depuis trois semaines environ à Paris, et il y avait une quinzaine que Legard était leur convive habituel, et presque le commensal de leur hôtel, lorsque, le soir dont nous avons parlé au livre précédent, Maltravers revit soudain le visage d’Éveline, et apprit du même coup qu’elle était libre. Il quitta la loge de Valérie. Le sang bouillonnait dans ses veines ; son cœur palpitait d’émotion : la joie, l’étonnement et l’espérance étincelaient dans ses yeux et animaient tous ses traits, quand il s’empressa de voler auprès d’Éveline.

En ce moment Legard, assis derrière miss Cameron, et ne se doutant guère de l’approche d’un rival, prononça, par un de ces hasards qui surviennent dans la conversation, le nom de Maltravers. Il demanda à Éveline si elle ne l’avait pas encore rencontré.

« Quoi ! est-il donc à Paris ? demanda vivement Éveline. J’avais entendu dire, en effet qu’il avait quitté Burleigh pour Paris, continua-t-elle ; mais je m’imaginais qu’il était allé jusqu’en Italie.

— Non ; il est toujours ici ; mais il fréquente peu, je crois, la société que lady Doltimore voit de préférence. N’est-ce pas un de vos favoris, miss Cameron ? »

Les joues d’Éveline se colorèrent un peu lorsqu’elle répondit :

« Comment voudriez-vous qu’on n’admirât pas un homme aussi supérieur, et qu’on ne prît pas intérêt à lui ?

— Il a certainement de belles et généreuses qualités, répondit Legard ; mais je ne puis me sentir à l’aise auprès de lui. Une certaine froideur, une hauteur, une réserve calculée dans les manières, semblent interdire jusqu’à l’estime. Pourtant, ce n’est pas à moi à dire cela, ajouta-t-il par un remords de conscience.

— Non, vraiment, vous ne devriez pas dire cela, reprit Éveline en secouant la tête, avec une gracieuse affectation de courroux, car je sais que vous prétendez aimer ce que j’aime, et admirer ce que j’admire ; et je suis enthousiaste de tout ce qui touche M. Maltravers !