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femme, une fille très-misérablement vêtue et de très-pauvre apparence se présenta à la grille de Hobbs’Lodge, et demanda M. Butler. En apprenant qu’il était parti, elle s’éloigna, et on ne la revit plus. Il paraît que cette fille portait un petit enfant dans ses bras, ce qui effaroucha un peu la vertu de M. et de mistress Hobbs. Le vieux monsieur me raconta cette circonstance quelques jours après, et je fis faire quelques démarches pour découvrir l’étrangère ; mais je ne pus rien apprendre. Je pensai d’abord que cette femme pouvait bien être Alice ; mais j’appris que, pendant son séjour au cottage, votre ami, en dépit de sa faute que nous ne chercherons pas à excuser, avait exercé une charité large et généreuse en vers les pauvres d’alentour, il était donc plus naturel de croire que la jeune fille en question appartenait à une des familles jadis secourues par lui, et qu’elle venait là plutôt en mendiante qu’en maîtresse délaissée. De sorte que, après mûre réflexion, je résolus de ne pas faire part de cette circonstance à M. Maltravers, lorsque je lui écrivis à son retour du continent. Un espace de temps considérable s’était écoulé depuis que la jeune fille s’était adressée à M. Hobbs ; on avait complétement perdu sa trace : cet incident rouvrirait peut-être des blessures que le temps devait avoir presque cicatrisées, lui donnerait de fausses espérances, ou, pis encore, lui causerait des remords nouveaux et mal fondés à la pensée qu’Alice était dans la misère, en somme cela ne pouvait lui faire aucun bien, et lui causerait sûrement beaucoup de chagrin inutile. Je me décidai donc à n’en pas parler.

— Vous avez bien fait. Ainsi la pauvre fille avait un petit enfant dans les bras ? hum ! Comment, était-elle cette Alice Darvil ? jolie, cela va sans dire ?

— Je ne l’ai jamais vue ; et il n’y avait que les personnes employées au Cottage qui la connussent : on la disait d’une beauté remarquable.

— Blonde et mignonne, avec des yeux bleus, sans doute ? Ce sont les attributs de rigueur d’une héroïne.

— Ma foi ! j’ai oublié. Le fait est que j’en aurais oublié bien davantage, si ce n’eût été la célébrité de M. Maltravers, et l’importance de sa famille dans le pays, qui, jointes au spectacle de son angoisse, la plus douloureuse que j’aie jamais vue, servirent à graver profondément dans mon esprit tous les détails de cette affaire.

— Vous a-t-on fait la description de la jeune fille qui s’était présentée à la grille de Hobbs’Lodge ?