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ward, qui se trouvait assis à côté de miss Brigitte, causa avec elle, entre les services, en pantomime. M. Onslow et le médecin donnèrent alternativement la réplique à lord Vargrave. Lorsque le dîner fut achevé, et que les dames se furent retirées, Vargrave se trouva auprès de M. Onslow, et s’aperçut que son voisin était un homme des plus agréables. Ils parlèrent principalement de Lisle Court, et la conversation passa tout naturellement du colonel Maltravers à Ernest. Vargrave proclama son intimité d’autrefois avec ce dernier, se plaignit avec émotion que la politique les eût séparés depuis quelques années, et raconta deux ou trois épisodes de leurs aventures de jeunesse en Orient. M. Onslow l’écoutait avec attention.

« Je fis la connaissance de M. Maltravers il y a bien des années, dit-il, et dans une circonstance très-délicate. Il m’intéressa beaucoup. Je n’ai jamais vu quelqu’un de si jeune (car ce n’était alors qu’un enfant) manifester des sentiments aussi profonds. D’après les dates auxquelles vous venez de remonter, votre connaissance avec lui doit avoir commencé très-peu de temps après la mienne. Paraissait-il gai, content, à cette époque ?

— Non, au contraire il était des plus hypocondres.

— Votre intimité avec lui, mylord, et la confiance qui existe généralement entre des jeunes gens, me font supposer qu’il doit vous avoir communiqué le petit roman qui se rattache à ses années d’adolescence ? »

Lumley s’arrêta pour réfléchir ; en ce moment, cette conversation, qui se tenait à part, fut soudain interrompue par le grand docteur, lequel désirait savoir si mylord connaissait l’anecdote relative à lord Thurlow et au feu roi. L’anecdote était aussi longue que le docteur, et, lorsqu’elle fut terminée, les messieurs se rendirent au salon, et toute conversation fut immédiatement étouffée par « Ramez, frères, ramez, » qu’on n’avait différé de chanter que pour attendre l’arrivée de M. Tiddy, possesseur d’une belle voix de basse.

Hélas ! dix-huit ans plus tôt, dans ce même lieu, animée par le souffle du Génie et de l’Amour, la musique avait fait vibrer l’âme d’Alice Darvil ! Mais c’était meilleur maintenant : moins romanesque, mais plus convenable ; tout comme Hobbs Lodge qui était moins joli, mais mieux garanti des vents et de la pluie que Dale Cottage.

Miss Brigitte se hasarda à demander à l’aimable lord Vargrave s’il chantait.