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de mécontentement dans l’esprit du digne homme ; du reste M. Winsley n’hésita pas longtemps à se décharger le cœur de ce qui lui pesait.

« Voici un honneur inattendu, mylord ; un honneur que j’ai de la peine à m’expliquer.

— Mais, monsieur Winsley, l’amitié qui vous unissait à mon défunt oncle pourra peut-être vous expliquer suffisamment, et vous faire excuser la visite d’un neveu qui chérit sa mémoire.

— Hum ! j’ai certainement fait tout ce qui dépendait de moi pour seconder les intérêts de M. Templeton. Nul homme, je puis le dire, n’a fait davantage, et pourtant je ne crois pas qu’il s’en soit souvenu longtemps, du jour où il eut tourné le dos aux électeurs de C***. Ce n’est pas que je lui en veuille pour cela ; je suis riche et je n’attache de prix à la faveur de personne, de personne, mylord !

— Vous m’étonnez ! j’ai toujours entendu mon pauvre oncle parler de vous dans les termes les plus flatteurs.

— Oh !… enfin, n’importe ; n’en parlons plus, je vous prie. Puis-je vous offrir un verre de vin, mylord ?

— Non, je vous remercie beaucoup. Mais il faut véritablement que nous éclaircissions cette petite affaire. Vous savez que mon oncle ne revint jamais à C*** après son mariage ; et que, peu de temps avant de mourir, il vendit la plus grande partie des biens qu’il avait dans cette ville. Sa jeune femme aimait mieux, je pense, le voisinage de Londres ; et lorsque les vieux messieurs se marient, vous savez qu’ils ne s’appartiennent plus. Mais si vous étiez jamais allé à Fulham, oh ! alors, assurément, mon oncle se serait réjoui de voir son vieil ami.

— Vous croyez cela, mylord ? dit M. Winsley avec un sourire sardonique. Vous vous trompez. J’y suis allé, à Fulham ; je fis porter ma carte à lord Vargrave (il était alors mylord), et son domestique revint me dire que mylord n’était pas chez lui.

— Mais c’était sans doute vrai ; il était sorti, soyez-en convaincu.

— Je l’avais vu à sa fenêtre, mylord, dit M. Winsley en prenant une prise de tabac.

— (Ah ! diable ! je m’embourbe, pensa Lumley.) C’est vraiment fort singulier ! Comment vous expliquez-vous cela ? Ah ! c’était peut-être à cause de la santé de sa femme ; lady Vargrave était si délicate alors, et mon pauvre oncle ne