Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/268

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fille me s’ennuie à Brook Green, etc. Je lui ai répondu que plus ma pupille verrait le monde avant que d’y prendre la position qu’elle doit y occuper quand elle sera majeure, mieux elle remplira les intentions de feu mon oncle, relativement à son éducation, et ainsi de suite. J’ai ajouté que puisque vous alliez à Paris, et que vous aimiez tant Éveline, il ne pouvait se présenter de meilleure occasion pour elle de débuter dans le monde, sous les plus favorables auspices. La réponse de lady Vargrave m’est parvenue ce matin : elle consentira à cet arrangement, pourvu que vous le proposiez.

— Mais quel bien résultera-t-il pour vous de ce projet ? À Paris vous aurez bien certainement des rivaux, et…

— Caroline, interrompit lord Vargrave, je sais très-bien ce que vous allez dire ; je connais aussi le danger que je cours. Mais entre plusieurs maux, je choisis le moindre. Tant qu’elle sera à Brook Green, voyez-vous, et sous les yeux de ce finaud de vieux prêtre, je n’en pourrai venir à bout. Elle y est complétement soustraite à mon influence. Il n’en sera pas de même en pays étranger, sous le même toit que vous. Écoutez-moi encore un instant. Dans ce pays, et surtout dans la retraite protectrice de Brook Green, il me serait impossible d’employer aucun des moyens auxquels je serai forcé de recourir si j’échoue autrement.

— Quels sont donc vos desseins ? dit Caroline avec un léger frisson.

— Je n’en sais rien encore. Mais je puis toujours vous dire qu’il me faut la fortune de miss Cameron, et que je l’aurai. Je suis un homme aux abois, et je prendrai les grands moyens s’il le faut.

— Mais pensez-vous que je vous aiderai, moi ? que je serai votre complice ?

— Chut ! pas si haut ! Oui, Caroline, vous m’aiderez, vous serez ma complice dans tous les projets que je formerai ; il le faut.

— Il le faut ? Lord Vargrave !

— Oui, dit Lumley en souriant, et en baissant le ton jusqu’au chuchotement : oui ! Vous êtes en mon pouvoir !

— Traître !… Vous n’oseriez !… Vous ne pouvez vouloir…

— Je ne veux rien de plus que vous rappeler les liens qui existent entre nous ; ces liens-là doivent nous unir de l’amitié la plus étroite et la plus confiante. Voyons, Caroline, souvenez-vous qu’il n’est pas juste que tous les bien-