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mants, le grotesque pour le naturel, l’exagéré pour le sublime. Cependant, je le répète, Paul-Louis Courier avait raison : il y a plus d’honnêteté maintenant dans un seul salon de Paris qu’il n’y en avait dans toute la France aux jours de Voltaire. De grands intérêts et des causes solennelles ne sont plus de vaines matières à caquets lancés comme des volants par les raquettes des langues frivoles. Dans le bouleversement des révolutions les Français sont retombés sur leurs pieds.

En rencontrant des hommes de tous les partis et de toutes les classes, et en comparant l’état actuel de Paris à ses premiers souvenirs, Maltravers fut frappé du diapason plus élevé de la moralité publique, de la profonde sincérité de sentiments qui animait toute la société. Il vit que les véritables éléments de la sagesse nationale étaient à l’œuvre, quoiqu’il s’aperçût aussi qu’il n’est pas de pays où les opérations en soient plus lentes et plus irrégulières dans leurs effets. Les Français sont comme les Israélites du désert, qui, selon la tradition juive, semblaient être, chaque matin, au bord du Pisgah, et tous les soirs s’en trouvaient aussi éloignés que jamais. Mais cependant le temps marche, le pèlerinage touche à son terme, et la terre de Canaan viendra pourtant à la fin !

Chez Valérie, Maltravers revit les Montaigne. Ce fut une rencontre pénible, car ils pensèrent à Césarini en se voyant.

Il est temps maintenant de revenir à cet infortuné. On l’avait transféré à Paris, à l’époque où Maltravers avait quitté l’Angleterre, après la mort de lady Florence. Maltravers avait cru devoir communiquer à Montaigne toutes les circonstances qui avaient causé le malheur de Césarini. L’orgueil et l’honneur du noble français furent profondément blessés au récit de cette suite d’artifices et de crimes, tout adouci qu’il était ; mais le spectacle du malheureux criminel et de son épouvantable châtiment dissipa tout autre sentiment que la compassion. Confié aux soins des plus habiles médecins de Paris, Césarini inspira d’abord de grandes espérances de guérison. Il témoigna une entière conscience de la bonté de ses parents, et un souvenir très-restreint du passé ; mais aux incohérences frénétiques du délire avait succédé une mélancolie profonde, encore plus affligeante. Néanmoins, dans cet état il redevint le commensal de la maison de son beau-frère, et, quoiqu’il évitât toute société, excepté celle de Teresa dont le caractère