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la fête brillante qu’il allait donner parût un hommage offert à cet illustre voisin, revenu pour fixer sa demeure dans son domaine patrimonial, tandis qu’en réalité cette fête devait seconder les desseins électoraux de lord Raby, servir à présenter Maltravers au comté comme sous le patronage du marquis, et enfin étayer des projets politiques qui allaient bien plus avant que la représentation du comté.

Lord Vargrave, pendant son séjour au presbytère de Merton, avait fait plusieurs visites à Knaresdean, et avait eu plusieurs entretiens particuliers avec le marquis. Le résultat de ces entretiens fut une étroite union de desseins et d’intérêts entre les deux gentilshommes. Mécontent de la conduite politique du gouvernement, lord Raby l’était aussi de ce que, par suite de diverses raisons de parti, un noble d’un rang inférieur au sien, et, selon lui, d’une moindre influence, avait obtenu sur lui la préférence dans une récente nomination à l’ordre des chevaliers de la Jarretière. Si Vargrave possédait un talent, c’était celui de découvrir la fibre sensible des hommes qu’il cherchait à gagner et de faire concourir les vanités des autres au service de son ambition.

Les fêtes de Knaresdean donnaient à lord Raby l’occasion de réunir chez lui les personnages les plus importants parmi Ceux qui pensaient et qui agissaient de concert avec lord Vargrave ; et, dans ce secret sénat, les opérations de la session suivante devaient être sérieusement discutées et gravement arrêtées.

Le jour qui devait se terminer par le bal de Knaresdean, lord Vargrave partit avant les autres membres de la famille Merton, car il était invité à dîner avec le marquis. À Knaresdean, il trouva lord Saxingham et plusieurs autres diplomates, arrivés de la veille, en conférence particulière avec lord Raby. Vargrave qui brillait toujours plus dans la diplomatie des combinaisons de parti que dans l’arène du parlement, apporta sa pénétration, son énergie et sa fermeté de décision, au milieu de conseils hésitants et timides. Il resta un instant dans le salon après que la première cloche eut fait partir les autres invités.

« Mon cher lord, dit-il alors, bien que personne ne fût plus content que moi de gagner Maltravers à notre cause, je doute beaucoup que vous y réussissiez. D’une part il me semble tout à fait dégoûté de la politique et du parlement ; et de l’autre, j’imagine que les bruits qu’on fait courir relativement à son changement d’opinions sont, sinon complè-