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dant une chose dans sa lettre qui milite en faveur de Maltravers.

— Laquelle ?

— Il s’éloigne d’elle. C’est là, s’il a découvert le secret d’Éveline, ou bien s’il s’est aperçu que sa présence a trop de charmes pour lui, c’est là, dis-je, la ligne de conduite que devait suivre une âme loyale et courageuse.

— Pourquoi ? s’il l’aime !

— Oui ; mais tant qu’il croira que sa main est promise à un autre…

— C’est juste. Que faire, si Éveline aime, et qu’elle aime seule ? Ah ! c’est le malheur de toute une existence !

— Peut-être serait-il préférable qu’elle revînt ici, dit M. Aubrey ; et pourtant, s’il est déjà trop tard, si ses affections sont engagées, nous resterions toujours dans l’ignorance des principes et des qualités morales de l’objet de son affection. Lui-même il ne connaîtrait peut-être jamais la véritable nature de l’obstacle que lui opposent les droits de lord Vargrave.

— Si j’allais la rejoindre ? Vous savez combien je redoute de me rencontrer avec des personnes étrangères, combien je crains la curiosité, les doutes, les questions, combien… (la voix de lady Vargrave devint tremblante) combien je suis peu propre à… à… »

Elle s’arrêta court, et une légère rougeur colora ses joues.

Le curé la comprit et se sentit tout attendri.

« Chère amie, dit-il, voulez-vous me confier cette mission ? Vous savez combien certains souvenirs rendent Éveline chère à mon cœur ! Peut-être serai-je, mieux que vous, à même d’observer en silence si cet homme est digne d’elle, s’il est capable de faire son bonheur ; peut-être, mieux que vous, pourrai-je découvrir exactement la nature des sentiments qu’elle éprouve pour lui ; peut-être aussi, mieux que vous, pourrai-je arriver à une explication avec lord Vargrave.

— Vous avez toujours été mon meilleur ami, dit la dame avec émotion ; combien ne vous dois-je pas déjà ? Quelles espérances au-delà de la tombe ! Quelles…

— Chut ! interrompit le curé avec douceur ; c’est votre bon cœur, c’est la pureté de vos intentions, qui ont accompli votre expiation ; permettez-moi d’espérer aussi qu’elles vous ont réconciliée avec vous-même. Mais revenons à notre