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longuement sur tout ce qui le concerne, et comme, après s’être interrompue, elle revient encore et toujours au même Sujet. »

Le pasteur mit ses lunettes, et prit la lettre. C’était une chose étrange que de voir ce vieux prêtre aux cheveux blancs témoigner un intérêt si grave aux secrets d’un jeune cœur ! Mais ceux qui veulent se charger de diriger les âmes ne sauraient jamais avoir trop d’expérience pour sonder les cœurs !

Lady Vargrave regardait par-dessus son épaule tandis qu’il lisait, et de temps en temps elle posait le doigt sur les passages qu’elle désirait lui signaler. Le vieux prêtre inclinait la tête chaque fois, mais ils ne parlèrent ni l’un ni l’autre jusqu’à ce qu’ils eussent achevé leur lecture.

Le pasteur alors replia la lettre, ôta ses lunettes, toussa et prit un air grave.

« Eh bien ? dit lady Vargrave avec inquiétude, eh bien ?

— Ma chère amie, cette lettre demande à être méditée, En premier lieu, il est évident pour moi, en dépit de la présence de lord Vargrave au presbytère, qu’il arrange les choses de manière à ne pas laisser la pauvre enfant maîtresse de rien conclure. Et en effet, pour un esprit d’une délicatesse et d’une droiture aussi remarquables, ce n’est pas une tâche facile.

— Écrirai-je à lord Vargrave ?

— Nous y réfléchirons. En attendant, ce M. Maltravers…

— Ah ! oui, ce M. Maltravers !

— L’enfant nous dévoile plus l’état de son cœur qu’elle ne le croit ; et pourtant je suis moi-même embarrassé. Observez qu’elle ne nous parle qu’une ou deux fois de ce colonel Legard dont elle a fait la connaissance ; tandis qu’elle nous parle longuement de M. Maltravers, et nous avoue l’effet qu’il a produit sur son esprit. Pourtant savez-vous que je redoute plus sa réserve au sujet du premier que toute la franchise avec laquelle elle trahit l’influence du dernier ? Il y a une grande différence entre une première fantaisie et un premier amour.

— Vraiment ? dit la dame d’un ton distrait.

— Et puis nous ne connaissons ni l’un ni l’autre cet homme singulier ; je veux dire Maltravers. Nous ne connaissons ni sa réputation, ni son caractère, ni ses principes : toutes choses dont Éveline me peut juger par elle-même, parce qu’elle est trop jeune et trop innocente. Il y a cepen-